Le syndicat des ex-employés du Walmart de Jonquière rentre bredouille de son passage en Cour d'appel, laquelle infirme deux décisions qui avaient déclaré illégal le congédiement des 192 employés à la suite de la fermeture du magasin, pendant le processus de syndicalisation, en février 2005.

Pas une modification aux conditions de travail

La Cour d'appel estime que la cessation définitive des activités de l'établissement ne constitue pas une modification aux conditions de travail, comme l'a statué l'arbitre Jean-Guy Ménard, en septembre 2009. En s'appuyant sur l'article 59 du Code du travail - qui gèle en certaines circonstances les conditions de travail entre le début de l'accréditation d'un syndicat et la négociation de la première convention collective -, M. Ménard a décrété que Walmart avait modifié illégalement les conditions de ses employés en fermant l'établissement. La société a fait une demande de révision judiciaire de cette décision, mais le juge Benoit Moulin, de la Cour supérieure, l'a confirmée en octobre 2010.

Selon le plus haut tribunal du Québec, l'arbitre Ménard et le juge Moulin se sont tous les deux fourvoyés. Le premier parce que sa décision n'est pas raisonnable et qu'elle est contradictoire, et le second parce qu'il n'a pas constaté les failles de la sentence arbitrale.

Le juge Jacques A. Léger écrit dans la décision de la Cour d'appel que les tribunaux ont déjà indiqué que «rien dans notre droit n'empêche un employeur de cesser ses activités». Il note ensuite que l'arbitre Ménard reconnaît ce principe, mais qu'il considère du même souffle, à la charge de Walmart, que le maintien en emploi faisait partie des conditions de travail protégées des salariés.

«J'identifie une première faille dans la logique avancée par l'arbitre, indique le juge Léger. Comment peut-il d'un côté considérer avec approbation le principe selon lequel un employeur qui congédie à la suite de la fermeture de son entreprise, peu importe les raisons de sa fermeture, le fait avec justification suffisante, et de l'autre considérer qu'en de telles circonstances, le maintien du lien d'emploi constitue une condition de travail? [...] Dans cette logique, un congédiement, même justifié, deviendrait une modification des conditions de travail. Aussi bien dire que l'employeur ne pourrait jamais congédier pendant la période décrite à [l'article 59 du Code du travail].»

D'après le magistrat, les conclusions de l'arbitre équivalent à donner aux salariés de Walmart «une sécurité d'emploi à laquelle ils ne pouvaient aucunement prétendre avant le dépôt de la requête en accréditation». De ce fait, l'arbitre ne fait que considérer les conditions de travail préexistantes et il les modifie en ajoutant un niveau de protection que les employés n'avaient pas.

«Par ailleurs, en ne constatant pas ces contradictions, le premier juge (Moulin) s'est aussi trompé», ajoute le juge Léger.

Joint par La Presse Affaires, l'avocat des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, Claude Leblanc, s'est dit déçu de la décision de la Cour d'appel. Il a indiqué qu'il analyse le jugement afin de déterminer si le syndicat déposera une demande d'appel en Cour suprême.

Deux décisions en défaveur du syndicat

Le plus haut tribunal du pays a déjà rendu une décision en défaveur du syndicat dans un autre volet du même litige.

Un ex-employé, Gaétan Plourde, disait avoir été congédié pour motif antisyndical. Mais il a perdu devant la Commission des relations du travail, en Cour supérieure, en Cour d'appel et finalement en Cour suprême, en novembre 2009, parce que la fermeture complète et définitive est un motif suffisant de congédiement, même en cours de syndicalisation, ont-elles dit d'une même voix.

Un recours collectif a aussi été écarté parce que la Cour supérieure estimait que les questions soulevées relevaient plutôt de la compétence exclusive de la Commission des relations du travail.

Enfin, le syndicat s'est désisté d'une autre plainte devant la Commission alléguant que la fermeture du magasin de Jonquière constituait un geste d'intimidation pour faire échec à la syndicalisation à Jonquière et ailleurs.