Les dirigeants européens se retrouvent au chevet de la croissance mercredi soir à Bruxelles mais les désaccords du couple franco-allemand sur la relance et les euro-obligations, le naufrage qui menace la Grèce et la fragilité des banques espagnoles laissent présager des discussions tendues.

Le débat est monté ces jours derniers sur les euro-obligations, un sujet polémique qui pourrait voir s'affronter deux blocs lors du sommet informel des 27 qui prendra la forme d'un dîner. Le président de l'UE Herman Van Rompuy souhaite qu'y soient abordées «sans tabou» toutes les idées capables de relancer la croissance.

Après avoir cherché à rassurer l'Allemagne sur la détermination de la France à respecter ses engagements en matière de discipline budgétaire, le président français François Hollande compte profiter de l'occasion pour défendre les euro-obligations, des titres de dette mutualisés, auxquels l'Allemagne est farouchement opposée.

Au risque de fâcher Berlin, qui martèle à l'envi sa position depuis plusieurs jours: l'Allemagne est opposée aux euro-obligations. «C'est notre position ferme et cela le sera aussi en juin», a souligné mardi une source gouvernementale allemande.

Mercredi, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a encore enfoncé le clou: «Tant qu'un pays mène sa propre politique budgétaire, il est exclu de mettre en commun la garantie pour les obligations», a-t-il dit, estimant que cela n'inciterait pas les pays fragiles à la discipline budgétaire.

Chaque camp compte des soutiens dans cette opposition franco-allemande à laquelle les Européens n'étaient plus habitués depuis le tandem «Merkozy»: les Pays-Bas, la Finlande sont sur la même ligne que Berlin. Le Luxembourg et l'Italie soutiennent la position française. Le chancelier social-démocrate autrichien Werner Faymann défend également Paris mais sa ministre des Finances, la conservatrice Maria Fekter est sur la même ligne que Berlin.

D'autres acteurs économiques sont entrés dans le débat mardi, laissant entendre que les euro-obligations pouvaient être une solution. Le chef économiste de l'OCDE, Pier Carlo Padoan, a suggéré aux Européens d'émettre «de nouvelles obligations garanties conjointement par les États».

Et la directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, a estimé qu'il fallait «faire plus, en particulier par le partage de la responsabilité budgétaire».

M. Hollande considère que les euro-obligations sont importantes et nécessaires et l'Allemagne n'y est pas fermée à terme, souligne-t-on à Paris, où l'on insiste sur la nécessité d'établir dès à présent une feuille de route sur la question.

«L'Allemagne a transformé progressivement plusieurs lignes rouges en lignes roses depuis deux ans» mais il est trop tôt pour qu'elle change d'avis sur les euro-obligations, note pour sa part un diplomate européen. Tout comme sur l'idée de permettre au fonds de secours de la zone euro, le Mécanisme européen de solidarité (MES), de prêter directement aux banques.

Mais «si le scénario grec s'oriente vers une sortie de l'euro, il faudra mettre en place des mécanismes de défense contre la contagion» et «les marchés vont insister pour avoir une réponse à la question suivante: quels pays se soutiennent mutuellement?», selon ce diplomate

Le sort de la Grèce sera l'un des gros morceaux des discussions mercredi. Le premier ministre grec par intérim, Panayiotis Pikrammenos, devrait faire devant ses collègues un point de la situation, à un peu moins d'un mois des législatives du 17 juin qui pourraient déboucher sur la victoire de partis rejetant la rigueur et ouvrir la voie à la faillite du pays et à sa sortie de l'euro.

La situation fragile des banques espagnoles, qui inquiète les marchés risque aussi de s'inviter dans les débats, même si le gouvernement de Madrid a récemment insisté sur le fait qu'il n'avait pas besoin d'aide extérieure pour régler la question.

Quoi qu'il en soit, M. Van Rompuy a d'ores et déjà prévenu qu'aucune décision n'était à attendre de la réunion, dont le but est de préparer le sommet européen des 28 et 29 juin.

Il espère cependant des avancées sur plusieurs pistes de relance de la croissance, comme l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement (BEI). M. Hollande devrait aussi en profiter pour insister sur la création d'une taxe sur les transactions financières (TTF), indique-t-on à Paris.