Sortira, sortira pas? Le départ d'une Grèce surendettée de la zone euro inquiète de plus en plus le milieu financier.

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D'autant plus qu'on peine à cerner l'ampleur des répercussions financières et économiques d'un tel dénouement de la crise de dette publique en Europe.

Sans doute au-delà des 1000 milliards d'euros selon l'Institut de la finance internationale (IIF) de Washington, qui regroupe 450 des plus importantes banques du monde.

Chose certaine, une telle aggravation des tensions financières en Europe aurait des conséquences de ce côté-ci de l'Atlantique.

Quatre questions-clés pour y voir plus clair.

1) Le temps presse. Pourquoi?

Avant de poursuivre leur soutien financier de la Grèce, qui leur a déjà coûté plus de 100 milliards d'euros en fonds d'urgence, les autorités européennes réclament l'adoption d'un sévère plan d'austérité budgétaire.

Mais au Parlement d'Athènes, c'est l'impasse politique entre les partisans de droite favorables au plan et les partisans de gauche qui s'y opposent.

Les Grecs devront donc retourner aux urnes le 17 juin pour dénouer l'impasse. Et se prononcer du coup sur leur attachement à l'euro.

Entre-temps, le gouvernement grec se rapprochera d'échéances de titres de dette pour des milliards d'euros. Il risque le défaut de paiement sans fonds additionnels de la Banque centrale européenne (BCE).

2) Comment la Grèce pourrait-elle sortir de la zone euro?

Il s'agirait d'un scénario sans précédent et d'une complexité telle que même la BCE n'ose encore en dire davantage.

Chose certaine, en Grèce, le retrait de l'euro et le retour à la drachme provoqueraient une énorme dévaluation face aux autres principales devises. Probablement de l'ordre de 50% face à l'euro, selon des analystes.

Les conséquences?

Dans l'immédiat, les épargnants grecs, inquiets de la valeur future de leur devise, pourraient se ruer sur les banques pour en sortir le plus d'euros possible. Cette semaine seulement, les Grecs ont extrait près de 1,5 milliard d'euros de leurs banques, les fragilisant davantage.

Ensuite, le retour d'une monnaie nationale fortement dévaluée pourrait déclencher de l'hyperinflation en Grèce, aggravant les tensions socio-économiques.

Aussi, le financement externe des déficits budgétaires et de la dette publique serait beaucoup plus coûteux que sous le régime de l'euro.

En contrepartie, une nouvelle monnaie grecque fortement dévaluée favorisera le regain des exportations de la Grèce, y compris son important secteur d'accueil touristique. Il s'agirait d'un baume pour une économie nationale rendue à la cinquième année consécutive de récession.

3) Quel impact hors de la Grèce d'une sortie de l'euro?

La Grèce a une dette extérieure d'au moins 400 milliards d'euros auprès d'institutions financières publiques et privées en Europe, mais aussi outremer.

La solvabilité et la valeur de ces titres de dette seraient gravement compromises par l'abandon de l'euro et le retour d'une monnaie grecque à la valeur très incertaine.

Les créanciers extérieurs de la Grèce subiraient d'énormes pertes sur leurs prêts. En particulier la Banque centrale européenne et les principales banques nationales d'Europe, c'est-à-dire tous les contribuables européens hors de la Grèce!

La France et l'Allemagne seraient les plus touchées, avec des pertes estimées entre 65 à 90 milliards d'euros respectivement.

Le secteur financier privé en Europe serait aussi très touché par une forte dévaluation des titres de dette grecs. Pour le moment, leur avoir est estimé à 100 milliards d'euros.

4) Quels risques financier et économique pour le Canada, les États-Unis?

L'impact économique est pressenti en Bourse, avec le sentiment baissier qui prévaut depuis deux semaines.

La sortie de la Grèce de la zone euro serait une aggravation de la crise financière en Europe qui provoquerait un autre sérieux coup de frein à une économie continentale déjà stagnante ou en récession, selon les pays.

Aussi, une récession accentuée en Europe entraînerait une réduction de ses importations de biens et services de partout dans le monde, dont le Canada et les États-Unis.

Quant à l'impact financier d'une sortie grecque de la zone euro, il s'annonce d'emblée beaucoup moindre sur les banques nord-américaines que sur leurs vis-à-vis d'Europe.

Les banques canadiennes en particulier détiennent très peu sinon aucun titre de dette grec, selon les récents énoncés de leurs dirigeants.

Quant aux titres de dettes des cinq pays à risque de la zone euro (Espagne, Grèce, Irlande, Italie, Portugal), des estimations font état d'un avoir total d'environ 13 milliards parmi les banques canadiennes.

En contrepartie, elles ont un avoir considérable en titres de dette de toute l'Europe, des secteurs privé et public. Il totaliserait 180 milliards, selon une estimation des économistes de la Banque de Montréal (BMO). Et près de 1600 milliards US du côté des banques américaines.

Dans ce contexte, nul doute qu'une crise financière accentuée en Europe se ferait sentir de ce côté-ci de l'Atlantique.

Surtout si elle force les banques à restreindre de nouveau leurs activités de crédit afin de préserver leur niveau de capital face aux dépréciations de titres de dette importés d'Europe.