Tandis que Wajdi Mouawad présente trois pièces de Sophocle à Montréal, c'est une tragédie grecque en temps réel qui se déroule à Athènes.

Les résultats du scrutin de dimanche ont créé une impasse politique qui menace le deuxième plan de secours européen de l'État hellène, obtenu à l'arraché, il y a deux mois à peine.

L'onde de choc dépasse ce pays méditerranéen de 11,5 millions d'habitants. Elle a ébranlé la plupart des places boursières hier qui avaient résisté lundi. Elle affaiblit aussi l'euro, en recul pour la septième journée d'affilée face au billet vert.

Les deux partis qui se partagent le pouvoir en Grèce depuis la fin du régime des colonels en 1974 et qui avaient apporté leur contreseing à l'accord conclu en mars par le technocrate Lucas Papademos, ont été durement sanctionnés par le vote populaire.

Le PASOK, parti de centre gauche au pouvoir jusqu'à dimanche dernier, a vu ses appuis populaires s'effondrer de 43% à 13%, ce qui le place troisième.

Nouvelle Démocratie, de centre droit, a eu un peu plus de veine avec une glissade de 33,5% à 19%, ce qui le classe bon premier. Appelé dès lundi par le président de la République Carolos Papoulias à former un gouvernement de coalition, son chef Antonis Samaras a jeté l'éponge après six heures d'efforts infructueux.

Contre le plan d'austérité

Selon la constitution grecque, le président Papoulias s'est tourné hier vers Alexis Tsipras, chef du Syriza, parti de gauche radicale qui a terminé deuxième avec 16,8% des suffrages.

M. Tsipras, 38 ans, a fait campagne contre le plan de sauvetage concocté par l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI). Il le qualifie de «barbare».

Son rejet pourrait entraîner l'expulsion du pays du bouzouki de la zone euro, sa faillite, celle de ses banques et de beaucoup de ses déposants particuliers et corporatifs. Le retour de la drachme, qui valait moins de trois dixièmes de centimes d'euro au moment de la création de la monnaie unique, engendrerait instantanément de l'hyperinflation, la Grèce ayant un déficit commercial chronique.

M. Tsipras a trois jours pour former une coalition, faute de quoi, le président du PASOK Evangelos Venizélos aura droit à son tour à un essai.

De nouvelles élections dès le mois prochain pourraient être déclenchées si l'impasse persistait.

C'est bien long, un mois, cependant quand s'additionnent les échéances critiques.

Athènes doit décider d'ici le 15 mai (mardi prochain) si elle rembourse une obligation de 436 millions d'euros émise il y a 10 ans et arrivée à terme. Cette dette n'a pas été incluse dans la renégociation de 200 milliards d'obligations dont les porteurs privés ont accepté d'effacer plus de la moitié de la valeur faciale, à la mi-mars. Elle échappait à l'autorité d'Athènes, selon les conditions de son émission. Il y en aurait pour 7 milliards d'euros de ce type de dette, selon une évaluation de Bloomberg.

La rembourser créerait d'énormes tensions entre Athènes et ses autres créanciers qui ont accepté de réduire l'ardoise. Cela attiserait en outre la colère populaire alors que le plan de sauvetage prévoit l'annonce de nouvelles coupes budgétaires de 3 milliards d'euros cette année et de 12 milliards d'ici 2014.

Ne pas la rembourser équivaudrait à un défaut de paiement, comme cela s'est produit en Argentine en 2001. Depuis, Buenos Aires est contraint de se financer à l'interne.

Régler cet enjeu va sans doute requérir l'aide de l'UE et du FMI qui doivent verser une tranche de 30 milliards de leur plan de secours au cours des prochaines semaines.

Encore faudra-t-il au moins qu'Athènes soit en mesure de les convaincre que ses parlementaires peuvent tenir parole.

Devant cette perspective, le président désigné de la République française, François Hollande, représente peut-être un atout plus qu'un danger. Son premier tête-à-tête avec la chancelière allemande Angela Merkel au lendemain de sa prestation de serment la semaine prochaine est un rare espoir sur lequel les marchés peuvent s'accrocher.