L'Espagne a réussi jeudi à emprunter un peu plus que prévu sur le marché obligataire, attirant de nombreux investisseurs à un taux d'intérêt légèrement supérieur, mais doit encore convaincre les marchés sur son programme budgétaire, dans un contexte de récession.

C'est la bonne nouvelle de la journée: «il continue d'y avoir énormément d'intérêt pour la dette espagnole», souligne Javier Casal, spécialiste de la dette publique de la maison de courtage Ahorro Corporacion.

La demande a dépassé les 7 milliards d'euros, ce qui a permis au Trésor de lever 2,541 milliards d'euros, mieux que la fourchette visée (1,5 à 2,5 milliards).

Seule ombre au tableau: sur l'échéance phare, à dix ans, le taux d'intérêt est monté à 5,743%, contre 5,403% lors de la dernière émission similaire le 19 janvier, selon la Banque d'Espagne.

Mais cette hausse est «normale, parce que sur les marchés, le différentiel espagnol (vis-à-vis des obligations allemandes, référence en zone euro, NDLR) a beaucoup augmenté ces dernières semaines», signe d'un regain de tension, estime Javier Casal.

Et surtout, «le taux a monté, mais moins que ce que l'on attendait», note Daniel Pingarron, stratégiste à la maison de courtage IG Markets: il est ainsi inférieur au taux sur le marché des obligations espagnoles à dix ans (5,792% à la clôture mercredi) et reste sous la barre symbolique des 6%.

Sur l'autre échéance proposée jeudi par le Trésor, à deux ans, Madrid s'offre même le luxe de taux en légère baisse, à 3,463% contre 3,495% le 6 octobre 2011.

Une prouesse alors que le pays, qui avait vécu une fin 2011 très tendue sur les marchés, avant que ceux-ci ne s'apaisent au premier trimestre 2012, est de nouveau dans l'oeil du cyclone.

Pour se prémunir, le Trésor espagnol «avait abaissé son objectif» d'émission cette semaine, affirme Daniel Pingarron, après avoir bien profité de la sérénité des marchés en début d'année, empruntant souvent plus que prévu, ce qui lui permet d'avoir déjà bouclé 50% de son programme de l'année.

Après l'émission obligataire, l'indice Ibex-35 des valeurs vedettes espagnoles a viré dans le rouge, pour finir la séance sous la barre symbolique des 7000 points pour la première fois depuis mars 2009.

Depuis le début de l'année, la Bourse madrilène est celle qui a le plus baissé en Europe, perdant plus de 19% de sa valeur contre seulement 5% pour son homologue italienne.

«Ces tensions ne vont pas se calmer à court terme, ni même à moyen terme», remarque Daniel Pingarron, qui les juge «un peu injustes et assez exagérées»: «l'Espagne a remplacé la Grèce, dans le panorama de la presse internationale, surtout anglo-saxonne, comme le pays qui a le plus de problèmes».

«Les problèmes, évidemment, sont énormes, mais les réformes sont en train d'être faites», dit-il, alors que le nouveau gouvernement de droite s'est tour à tour attelé au secteur bancaire, au marché du travail et à un programme de stabilité budgétaire.

«Malgré l'émission réussie, cela n'est pas du tout réglé», tranche Javier Casal: «l'Espagne a un problème grave, pas de solvabilité mais de liquidités, actuellement les banques espagnoles ont besoin d'argent».

Le secteur bancaire est l'une des sources d'inquiétudes des marchés, car il est fragilisé depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008: son taux de créances douteuses a atteint en février 8,15%, un record en 18 ans.

Sous pression du gouvernement, il doit désormais se débarrasser de ses mauvais actifs immobiliers.

De même, le programme budgétaire de l'Espagne, qui a promis de ramener son déficit public de 8,51% du PIB fin 2011 à 5,3% en 2012 puis 3% en 2013, se complique alors qu'elle a renoué dès ce trimestre avec la récession.

«Ce sont des chiffres très difficiles à atteindre», note Javier Casal, et «de toute façon, le marché sait que l'Espagne, malgré les réformes du gouvernement, est dans une situation délicate».