Analyse. Les nouvelles mesures annoncées dans le dernier budget du ministre Raymond Bachand pour favoriser l'embauche ou la rétention de travailleurs expérimentés ont tout pour accroître la concurrence entre ces travailleurs et les jeunes de 15-24 ans, pourtant beaucoup plus frappés par le chômage.

La cohorte des travailleurs de 55 ans et plus est celle qui accapare le plus grand nombre de nouveaux emplois depuis l'été 2008, veille de la récession. À l'opposé, celle des plus jeunes est loin d'être aussi nombreuse qu'avant à en détenir un.

Entre octobre 2008 et juillet 2009, période qui correspond à la dernière récession, 63 000 emplois ont été perdus au Québec, selon les données de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada, dont 42 000 parmi les 15-24 ans.

À l'inverse, l'emploi chez les travailleurs de 55 ans et plus a augmenté de 53 000 durant la même période.

Depuis, le Québec a non seulement récupéré la totalité des emplois perdus, mais il en comptait 86 000 de plus.

Ce total cache cependant un net clivage entre les cohortes de 15-24 ans et de 55 ans et plus.

Pour la première, on remarque un déficit de 39 000 emplois. Pour la seconde, un gain de 59 000 emplois.

Le mois dernier, le taux de chômage s'élevait à 15,3% chez les jeunes, mais à 7,3% seulement chez leurs aînés.

Au sortir de la plupart des récessions, on observe une remontée de l'emploi plus lente chez les jeunes que chez les autres travailleurs.

Ce qui distingue des précédentes celle dont nous venons d'émerger, c'est la nouvelle concurrence sur le marché du travail entre jeunes et aînés qu'on était trop heureux de pousser à la retraite autrefois.

Face au vieillissement de la population qui devrait entraîner une lente diminution de la population en âge de travailler dès 2014, Québec a pris des mesures adéquates l'an dernier pour inciter les travailleurs à retarder le moment de leur retraite qu'ils prennent en moyenne un an plus tôt que dans le reste du Canada.

Le crédit d'impôt non remboursable sur les premiers 10 000$ de revenu du travail et la réduction accrue des prestations du Régime des rentes pour les retraites prises avant 65 ans en sont de bons exemples.

Les initiatives annoncées cette fois-ci paraissent mal ciblées, à court terme du moins.

Pourquoi donner de l'argent aux entreprises pour qu'elles embauchent des travailleurs plus âgés alors que c'est ce qu'elles font depuis au moins quatre ans déjà?

Pourquoi faut-il débloquer 84 millions de dollars d'ici trois ans pour favoriser l'embauche de travailleurs de la cohorte de travailleurs la moins frappée par la récession et la reprise?

À quoi serviront les 50 millions destinés à la réduction de la taxe sur la masse salariale pour favoriser l'emploi des 65 et plus, sinon à gonfler les bénéfices des embaucheurs?

A-t-on l'assurance que les impôts et les taxes des plus jeunes ne seront pas transférés à des entreprises qui n'en ont pas besoin?

Un bel exemple

L'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. En voici un bel exemple.

Le budget prévoit aussi qu'un travailleur d'expérience (lire 50 et plus), retraité ou non, puisse obtenir une garantie de prêt pouvant atteindre 50 000$ pendant cinq ans pour lancer une entreprise.

Ainsi, supposons qu'un journaliste dans la mi-cinquantaine à l'emploi d'une grande entreprise de presse décide de chercher des contrats de traduction pour s'offrir du superflu.

Il peut désormais obtenir une garantie de prêt de 50 000$ pendant cinq ans. L'argent pourra servir à rénover et rééquiper le bureau familial. Pour se bâtir une clientèle, il pourra embaucher un collègue expérimenté en chômage, mettons du défunt Rue Frontenac. Ce faisant, il bénéficiera d'une réduction de 1000$ sur la taxe sur la masse salariale.

Ironiquement, merci, monsieur le ministre, de penser à mon avenir, tandis que plus de 100 000 jeunes s'inquiètent du leur.