Fortement influencée par la parité nouvelle du dollar canadien au billet vert américain, l'industrie de l'imprimé s'est largement nord-américanisée depuis quatre ans. Et c'est pour faire face à cette nouvelle réalité que TC Transcontinental a décidé l'an dernier de racheter de Quad Graphics toutes les unités canadiennes de l'ancien empire Quebecor World. Une transaction qui a été complétée il y a deux semaines.

Avec des coûts horaires moins élevés et des avantages sociaux beaucoup moins lourds à supporter, les imprimeurs américains ont commencé à soumissionner sur plusieurs contrats importants d'impression de circulaires ou de magazines qui étaient jusque-là des clients acquis aux imprimeurs canadiens.

La récession de 2008-2009 et la très lente reprise économique qui a suivie aux Etats-Unis ont rendu les imprimeurs américains beaucoup plus agressifs dans la quête de nouvelles opportunités d'affaires qu'offrait le marché canadien.

«Devant cette nouvelle réalité de marché, on a décidé d'agir», explique François Olivier, le PDG de TC Transcontinental.

TC Transcontinental qui était déjà le plus important imprimeur au Canada et le quatrième en importance en Amérique du Nord a fait les premières approches auprès de Quadgraphics, le deuxième plus important imprimeur en Amérique du Nord, en vue d'une transaction pour mettre la main sur ses usines canadiennes.

Il faut rappeler ici que Quadgraphics a racheté en 2010 les actifs de la défunte Quebecor World et a hérité d'un réseau d'usines canadiennes qui réalisait un chiffre d'affaires annuel de 300 millions.

«En 2000, Quebecor World était le numéro un au Canada avec des revenus de 1 milliard. La compagnie a eu des difficultés et a peu investi dans ses capacités de production. En 2008, Quebecor World se met sous la protection de la loi des faillites et est rachetée par ses créanciers pour devenir World Colour. C'est cette entreprise qu'a acquise en 2010 Quadgraphics.

«Quadgraphics avait un réseau canadien mais qui s'intégrait mal au reste de ses activités aux Etats-Unis et en Amérique du sud. On leur a proposé un échange et ça été vraiment une situation gagnante pour toutes les parties», expose François Olivier.

TC Transcontinental a cédé ses trois usines qui réalisaient un chiffre d'affaires de 75 millions et des contrats d'impression de livres américains d'une valeur de 25 millions contre 6 usines et un centre de préparation prémédia qui affichaient en 2011 des revenus de 230 millions.

Une intégration profitable

«On vient d'amorcer l'intégration de ces nouvelles unités et on prévoit en dégager d'ici 12 à 24 mois 40 millions de profits d'exploitation», évalue le PDG de TC.

«Mais, surtout, on a renforcé et protégé notre position de premier imprimeur au Canada en obtenant de nouveaux clients à qui offrir nos services de distribution et de marketing numérique auxquels ils n'avaient pas accès avant.

«Quad n'était qu'un imprimeur, mais nous on est un distributeur postal, on fait des campagnes courriels, on a des hebdos et des magazine», souligne François Olivier.Dans le cadre de cet échange d'actifs, TC Transcontinental a hérité de 70 millions en pertes fiscales accumulées par World, ce que certains auraient pu décrire comme un profit vite fait.

Ce qui n'est pas la réalité puisque TC devra utiliser ces pertes fiscales pour renflouer le fonds de pension déficitaire des 1 300 employés de Quad qui viennent de se joindre à son groupe.

«On va déplacer certains actifs de l'ensemble de nos usines. On va rationaliser nos opérations mais on va le faire correctement pour aller chercher la profitabilité attendue», ajoute François Olivier.

Une transformation graduelle

François Olivier décrit la transaction avec Quadgraphics comme un échelon majeur dans l'histoire de TC Transcontinental même s'il admet que l'imprimerie n'est pas un secteur d'activité industrielle en croissance.

«On sait que l'imprimé est en déclin. Mais on estime qu'en 2011 il s'est dépensé entre 14 et 15 milliards en publicité au Canada. Le secteur de l'imprimé a accaparé encore la plus grosse part avec 46% du total des budgets de dépenses publicitaires, soit 7 milliards. Il y a encore beaucoup de marketing de masse qui va continuer de passer par l'imprimé.

«L'Internet a drainé 15% des dépenses publicitaires en 2011, soit 2,3 milliards. Les spécialistes estiment que ce pourcentage passera à 26% des dépenses totales d'ici cinq ans. On est aussi dans le marketing, la diffusion et la distribution Internet. Ce secteur représente 10% de nos revenus annuels, soit 200 millions. On veut augmenter ce pourcentage à 15% ou 20% d'ici cinq ans,» explique le PDG.

Selon lui, TC Transcontinental a l'avantage de pouvoir accompagner ses clients existants dans la transformation des plateformes de communication grâce à sa division TC Médias et ses solutions de marketing numériques ciblées.

La décision stratégique marquante

François Olivier est PDG de TC Transcontinental depuis 2008 et la décision stratégique la plus marquante qu'il estime avoir prise depuis qu'il est en fonction est celle de ne pas chercher à se battre contre le marché. «On sait que l'imprimé n'est pas en croissance, on accepte cela. On a développé par ailleurs une offre de services dans les nouveaux médias. Notre stratégie est de renforcer nos acquis dans l'imprimé et l'édition tout en bâtissant les nouveaux marchés pour nos clients», résume-t-il.