La Grèce semble avoir remporté son pari pour la restructuration de son énorme dette après s'être assuré un taux d'acceptation de ses créanciers privés supérieur à 80 % pour l'opération d'échange d'obligations souveraines qui doit effacer une ardoise de 100 milliards d'euros.

Pour les titres de droit grec, soit 177 milliards d'euros des 206 milliards concernés, la participation «dépasse 85 %» a indiqué à l'AFP une source gouvernementale, après l'expiration, jeudi à 20H00 GMT, du délai donné aux créanciers privés pour se prononcer.

Ce chiffre augure d'une participation globale de plus de 80 %, en incluant les obligations ne relevant pas du droit grec, soit au-delà du seuil de 75 % fixé par Athènes pour mener à bien l'opération, a détaillé la télévision publique Net.

Les résultats officiels doivent être annoncés à 6 h GMT vendredi matin, avant une conférence de presse du ministre des Finances, Evangélos Vénizélos, prévue à 11H00 GMT, a indiqué le gouvernement.

Avec une telle réponse, Athènes sera logiquement tentée d'activer des clauses d'actions collective (Cac) lui permettant de contraindre la minorité rétive de détenteurs d'obligations de droit grec à suivre le mouvement.

Dans ce cas, «la participation sera autour de 90 %» au final, a estimé la source gouvernementale, tout en rappelant qu'une décision en la matière doit être prise lors d'une téléconférence de l'Eurogroupe vendredi, à 12 h GMT.       Les partenaires de la Grèce veulent en effet que le secteur privé fasse sa part dans l'effort de sauvetage du pays, avec une contribution suffisante pour assurer une réduction de la dette à 120,5 % du PIB en 2020, un ratio censé garantir le retour du pays à la solvabilité.

Parmi les créanciers qui pourraient ainsi se voir forcés à radier des créances figurent notamment sept caisses grecques d'assurance santé et retraites, qui ont refusé d'engager leur mise, au total de 3,4 milliards d'euros.

Le premier ministre grec, Lucas Papademos, a qualifié leur position de «myope et absurde».

Si les créanciers privés, qui vont devoir amortir des pertes rélles de l'ordre de 74 %, avaient massivement traîné les pieds, le pays risquait une faillite incontrôlée le 20 mars, à l'échéance de remboursements de 14,4 milliards d'euros.

Le premier ministre, M. Papademos, a rappelé lors d'un conseil des ministres jeudi qu'une faible participation aurait recèlé «des dangers pour les créanciers privés et la stabilité financière de l'Eurozone».

Une restructuration réussie ouvre au contraire la voie au déblocage de prêts de 130 milliards prévus par la zone euro fin octobre. Ces deux volets, désendettement et renflouement, composent le deuxième plan de sauvetage du pays élaboré par ses partenaires internationaux, après une première perfusion de 110 milliards accordé en 2010.

Le directeur de l'Institut de la Finance Internationale (IIF) Charles Dallara qui a mené les négociations du côté des banques avait indiqué dans l'après-midi depuis Rio de Janeiro qu'il était «optimiste».

À Belgrage, le premier minisitre italien Mario Monti avait également affiché son optimisme sur la plus grosse opération d'effacement de dette d'un pays jamais réalisée de façon volontaire par les banques dans l'histoire financière.

En cas de réussite confirmée, l'échange concret des titres est prévu lundi pour les obligations de droit grec (86 % du total) et le 11 avril pour les autres titres, selon le calendrier officiel.

Parmi les prêteurs ayant rendu public leur accord figurent les principales banques grecques et internationales (Deutsche Bank, HSBC, BNP Paribas, Société Générale, Dexia, Banque Nationale de Grèce, Alpha bank, Eurobank).

À part les grandes institutions, le reste de la dette grecque est dispersé entre des centaines de fonds d'investissement, hedge funds ou petites banques dont certains ont attendu la dernière minute pour se manifester.

Mais même le scénario catastrophe d'une adhésion inférieure à 75 % écartée, la voie qui s'ouvre devant la Grèce n'est pas dénuée d'obstacles: une activation des Cac risque d'entraîner le déclenchement des CDS (credit default swaps), les contrats de couverture contre le risque de défaut, dont le montant net atteignait 3,2 milliards de dollars fin février.

Les marchés ont en tout cas salué la perspective d'une sortie grecque du tunnel: la Bourse de Paris a terminé en forte hausse jeudi (+2,54 %), celle de Londres à +1,18 %, et celle de Francfort à +2,45 %, tandis qu'à Wall Street, le Dow Jones a pris 0,55 % et le Nasdaq 1,18 %.