L'échange de dette lancé par la Grèce à destination de ses créanciers privés, dont la date limite est fixée à jeudi, est un montage complexe qui vise à soulager le pays en effaçant plus de la moitié de l'ardoise (107 milliards d'euros).

À quel montant vont renoncer les créanciers privés ?

Au total, banques, assureurs, fonds d'investissement et fonds de pension vont perdre environ 107 des 200 milliards d'euros de dette grecque qu'ils détenaient.

En échange d'une obligation d'un montant initial de 100, la Grèce propose de donner aux créanciers des titres d'une valeur de 46,5 et de renoncer au reste. Concrètement, ils vont recevoir des titres dont la valeur sera inférieure de 53,5%. Il s'agira d'obligations émises par le fonds de stabilité européen (FESF) pour 15% de la valeur initiale et de nouvelles obligations grecques pour 31,5%. Les 53,5% restants seront perdus.

Pourquoi les créanciers privés vont-ils perdre plus que les 107 milliards de dette auxquels ils renoncent ?

Les nouvelles obligations qui seront proposées aux créanciers privés arriveront à échéance dans 11 ans au minimum, 30 ans au maximum, soit plus que tous les titres qu'ils détenaient jusqu'ici.

L'objectif est de repousser les échéances de remboursement de la Grèce sur les montants qu'elle accepte encore d'honorer pour lui laisser le temps de se rétablir. Le fait d'immobiliser l'argent plus longtemps que prévu a un coût pour les créanciers privés, ce qui va se traduire dans leurs comptes par une perte. En outre, le taux d'intérêt des nouvelles obligations n'est que de 3,65% environ en moyenne, soit sensiblement moins que celui des titres que les créanciers privés avaient en leur possession. Ce rendement moins intéressant induit également une perte pour les créanciers privés.

Au total, la perte finale devrait donc se situer autour de 73% de la valeur qui était retenue dans leurs comptes. Du point de vue de la Grèce, en revanche, l'effacement est bien de 53,5% de l'ardoise détenue par les créanciers privés, soit 107 milliards d'euros.

La participation des créanciers privés est-elle volontaire ou contrainte, avec quelles conséquences?

Pour que l'opération permette vraiment de soulager la Grèce, il faudra que la participation des créanciers privés soit importante.

Pour s'en assurer, le gouvernement hellène a introduit, de manière rétroactive, des clauses d'action collective (CAC) dans les contrats régissant les obligations éligibles à l'échange.

Ces clauses permettent d'imposer à l'ensemble des créanciers une modification qui n'aurait été acceptée que par une partie d'entre eux.

Concrètement, la Grèce a désormais la possibilité de forcer l'intégralité des détenteurs de dette régie par le droit grec (86% environ des obligations) à accepter l'échange.

Et elle a déjà indiqué que si la participation volontaire n'atteignait pas 75%, elle renoncerait à l'opération. Au cas où se seuil serait franchi, la Grèce se réserve donc la possibilité d'activer les clauses ou pas.

Si elle les activait, la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales de la zone euro, qui détiennent au total 56 milliards d'euros environ de titres grecs, y échapperaient, car toutes ont déjà échangé leurs titres contre d'autres qui ne rentrent pas dans le champ de la transaction.

À l'opposé, le principal inconvénient d'un exercice des clauses serait le déclenchement vraisemblable des CDS (credit default swaps), les contrats de couverture contre le risque de défaut, dont le montant net atteignait 3,2 milliards de dollars fin février.