La recherche des meilleures recettes pour relancer la croissance en Europe a donné lieu jeudi et vendredi à Bruxelles à une nouvelle passe d'armes entre le président français Nicolas Sarkozy et le premier ministre britannique David Cameron.

Le sommet de l'Union européenne, consacré à la mise en place d'une stratégie en faveur de la croissance, avait été précédé d'un échange épistolaire résumant deux visions économiques bien distinctes.

Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel avaient d'abord fait fin janvier une série de propositions, notamment une «accélération» de la coordination fiscale, un thème tabou au Royaume-Uni.

La lettre adressée le 20 février aux institutions européennes par David Cameron et onze de ses homologues, notamment d'Italie, de Suède, d'Espagne et de Pologne, est donc rapidement apparue comme une réponse au couple franco-allemand.

Ces douze dirigeants ont émis des propositions d'inspiration libérale, comme un assouplissement drastique du marché du travail et une levée des dernières barrières commerciales avec les États-Unis, la Russie et la Chine.

Le premier ministre britannique était venu à Bruxelles bien décidé à faire adopter ces idées. Mais il était surtout furieux, jeudi au premier jour du sommet, de ces propositions absentes en grande partie d'une premier projet de déclaration commune de l'UE, selon des sources diplomatiques.

David Cameron a d'ailleurs reconnu sa «frustration» devant les journalistes, tout en assurant avoir finalement réussi à faire bouger les lignes.

«Aujourd'hui à Bruxelles (...) nous nous sommes faits entendre. Le communiqué a été totalement réécrit en fonction de nos demandes», a-t-il assuré vendredi à l'issue de la réunion.

Mais une fois de plus, le Britannique a dû ferrailler avec le président français, qui a critiqué la «tentation dérégulatrice et libérale» du Royaume-Uni et de la Suède.

Selon Nicolas Sarkozy, «90% des sujets évoqués dans cette lettre» convenaient aussi bien à la France qu'à l'Allemagne. «Il y a 10% à 15% des sujets» où «j'ai considéré que ce n'était pas possible», a-t-il toutefois ajouté lors d'une conférence de presse à l'issue d'un sommet, évoquant notamment le domaine de la concurrence.

Or, a-t-il insisté, «c'est toujours les 15% qui font la différence».

Tout en soulignant que «la plus grande partie de la lettre des douze» avait été reprise dans la déclaration finale du sommet, le président de l'UE Herman Van Rompuy a précisé qu'il avait fallu la «compléter par d'autres éléments car le marché intérieur n'est pas la seule voie pour renforcer la croissance et l'emploi».

Nicolas Sarkozy en a de son côté profité pour reprendre l'échange aigre-doux qui l'avait opposé à David Cameron en décembre, lorsque Londres avait décidé de ne pas adhérer au nouveau traité de discipline budgétaire voulu par Berlin avec le soutien de Paris.

Le président français a d'abord raillé la prétention de David Cameron à s'approprier la lettre sur la croissance censée émaner de douze pays.

«Je suis toujours content quand nos amis anglais aiment l'Europe à ce point qu'ils lui écrivent (...), j'ai pris la lettre de M. Cameron, après la décision de ne pas s'associer au traité, comme une volonté de ne pas rester derrière et je m'en réjouis», a-t-il ensuite ajouté.

«On a besoin des Anglais en Europe. Toujours, je ne dirais pas», a-t-il poursuivi, avant de lancer à un journaliste britannique, dans la langue de Shakespeare: «We need you».