La Grèce a officiellement lancé vendredi la procédure d'échange des obligations détenues par ses créanciers privés pour parvenir à l'effacement de 107 milliards d'euros de dette, comme prévu dans le plan de sauvetage décidé par la zone euro pour éviter la faillite du pays.

Le ministère des Finances et l'Organisme de la dette grecque (Pdma) ont créé à cet effet un site internet dédié sur lequel l'offre d'échange du PSI (Private Sector Involvement) a été lancée peu avant 17h30 GMT.

Cette opération sans précédent dans l'histoire financière, vise à réduire de 53,5% la dette détenue par les banques, assurances ou fonds d'investissement afin d'alléger le fardeau de l'ensemble de la dette grecque (privée et publique) qui s'élève à 350 milliards d'euros.

Sur ces 350 milliards, «206 milliards de titres» détenus par des créanciers privés sont éligibles à l'opération d'échange, précise l'appel d'offre.

Le document ajoute également que si un seuil total de participation d'«au moins 75%» des détenteurs de titres, en valeur, n'est pas atteint, «la République (hellénique, ndlr) ne procèdera pas» à cette opération.

Pour les obligations de droit grec, la loi entérinant le PSI votée jeudi par la parlement grec a prévu la possibilité d'avoir recours à des clauses d'action collective (CAC) pour contraindre les créanciers réticents à prendre part à l'opération d'échange. Ces clauses pourront être déclenchées si «un quorum de participation d'au moins deux-tiers» des porteurs de titres grecs est atteint.

Les modalités du PSI, qui est l'un des leviers du plan de sauvetage du pays, ont été finalisées par les ministres des Finances de la zone euro lors d'une réunion à Bruxelles dans la nuit de lundi à mardi.

Le gouvernement a entrepris «un effort titanesque» pour mettre sur orbite dès vendredi cette procédure hors norme, avait expliqué dans la matinée le premier ministre Lucas Papademos.

Le suspense réside désormais dans la proportion de créanciers privés détenteurs d'obligations grecques qui vont accepter une décote de 53,5% sur les titres qu'ils détiennent représentant une perte finale dépassant 70% de leur valeur initiale.

Charles Dallara, le président de l'Institut de la finance internationale (IIF), qui regroupe les grandes banques et institutions financières mondiales, s'est dit confiant vendredi dans l'issue de l'opération.

Le gouvernement grec également table sur une participation importante car les banques grecques détiennent la majorité des titres alors que les banques étrangères se sont débarrassées d'une grande partie des obligations grecques depuis le début de la crise de la dette grecque en 2010.

Les candidats volontaires pour l'échange de dette auront jusqu'au 9 mars pour se faire connaître et «l'opération elle-même devrait se dérouler d'ici le 12 mars pour les obligations de droit grec et les 5 et 6 avril pour celles du droit anglais et japonais», a précisé au parlement le ministre des Finances Evangélos Vénizélos.

Il a toutefois averti que ce serait une période difficile car il n'est pas exclu que «les marchés spéculateurs essaient de miner» l'opération.

Les agences de notation ont déjà averti que le lancement de l'opération pourrait automatiquement placer le pays en catégorie «défaut sélectif» («selective défaut»), qui selon M. Vénizélos est une «évaluation et non pas une catégorisation» de la note souveraine du pays.

Le PSI doit contribuer à ramener la dette grecque à 120,5% du PIB d'ici 2020 contre plus de 160% du PIB actuellement.

Le record d'effacement de dette était jusqu'ici détenu par l'Argentine, débitrice de 82 milliards de dollars (73 milliards d'euros environ au cours de l'époque) lorsqu'elle avait fait défaut, en janvier 2002.

Cette restructuration de dette constitue l'un des deux volets du plan de sauvetage record de la Grèce, la seconde étant un prêt de 130 milliards d'euros sur trois ans qui vient s'ajouter à celui de 110 milliards d'euros accordé par la zone euro et le FMI en 2010 et dont une partie a été déjà versée.

La Grèce est entrée dans une course contre la montre afin d'éviter la faillite au 20 mars, date à laquelle le pays doit rembourser 14,5 milliards d'euros.

«La Grèce fait un effort titanesque pour finaliser les décisions sur le PSI et les conditions pour l'octroi du prêt à la Grèce, la procédure législative est satisfaisante mais il y a encore des questions en suspens», selon M. Papademos.

Dans les faits, le parlement grec doit adopter mardi et mercredi en procédure d'urgence deux projets de loi cruciaux réclamés par la troïka (UE-BCE-FMI) portant le premier sur des nouvelles coupes dans les salaires et les retraites et le second sur des réformes dans le secteur de la santé prévoyant la fusion des hôpitaux et la réduction des dépenses pharmaceutiques.

Ces ajustements requis par le plan de sauvetage et fortement contestées par les syndicats et l'opposition de gauche, comme d'extrême droite, passeront également par des «décrets et circulaires à finaliser et publier dans les prochains jours», a précisé le Premier ministre

«Tout doit être prêt d'ici mercredi 29 février», avant la réunion jeudi des ministres des Finances de la zone euro (Eurogroupe) qui doit faire le point sur les initiatives prises par Athènes, a-t-il ajouté.

Selon M. Vénizélos, la signature officielle entre la Grèce et ses partenaires de l'ensemble du plan de sauvetage du pays doit intervenir d'ici fin mars.