Le nouveau plan de sauvetage de la Grèce, s'il est débloqué, devrait lui permettre d'éviter le naufrage complet de son système bancaire et financier, mais la reprise de l'économie réelle reste en question, avertissent les économistes.

Après avoir obtenu au parlement le vote en faveur du mémorandum économique élaboré avec UE et FMI au milieu d'un chaos de manifestations et de guérilla urbaine à Athènes, le gouvernement dispose de quelques semaines à peine pour mettre en place une série de réformes destinées à obtenir le déblocage des nouvelles aides européennes.

Avant tout versement, et sur le seul volet bancaire, le mémorandum prévoit un audit complet sur les besoins en capital de chaque banque, un autre sur le seul cas de la banque agricole ATE, et le passage d'une loi permettant les recapitalisations via le Fonds hellénique de stabilité.

«Si le mémorandum est appliqué, il peut certainement sauver la Grèce de la faillite», estime Miranda Xafa, directrice du cabinet de conseil EF Consulting group.

Le gouvernement avait dressé un tableau d'apocalypse promettant chaos, misère et disparition instantanée du système bancaire du pays aux députés qui auraient été tentés d'opter pour un défaut de paiement pur et simple et une sortie de l'euro, plutôt que pour le programme adopté, qui comporte un volet d'effacement de dette et de recapitalisation bancaire.

Mais «pour le moment personne ne peut sauver la Grèce de la récession» juge Mme Xafa.

La plupart des économistes reconnaissent que l'austérité appliquée en Grèce depuis 2010, sous l'influence du FMI et de l'UE, n'a pas marché.

Les indicateurs macro-économiques sont au rouge: au 4e trimestre 2011, le PIB a plongé de 7% et les prévisions pour 2012 font état d'une récession encore à -4 ou 5%, le chômage a dépassé 20%, dont près de 50% pour les moins de 25 ans.

Mme Xafa met en cause le «double déficit» de la Grèce: budgétaire et des comptes courants. «La consommation privée et publique doit baisser, et la production doit augmenter, mais tout celà ne peut pas se faire en un jour».

«Si la Grèce avait appliqué les réformes structurelles contenues dans le premier mémorandum (en 2010), le pays ne serait pas dans cette situation», estime cette analyste, qui cite notamment l'ouverture à la concurrence des professions protégées et une refonte du système des retraites.

«Il y a eu surtout des coupes horizontales dans les pensions, mais le système reste très injuste, il n'a pas été réformé. Les pensions du secteur public restent très élevées par rapport à celles du privé (...) Ils n'ont pas touché les groupes dont ils tirent leur force politique» accuse-t-elle.

Vassilis Monastiriotis, professeur d'économie politique à la London School of Economics (LSE) estime que les mesures du mémorandum «sont très unilatérales» et «mènent vers plus d'austérité».

«Elles réduisent les salaires, mais aussi la confiance dans l'investissement donc il est très difficile de voir comment la situation pourrait s'améliorer».

Selon lui, manquent des «mesures positives pour le développement économique» qui «amélioreraient le climat d'investissement -ce qui est en partie réalisé à travers la réduction du coût du travail- mais aussi des politiques de relance visant à augmenter l'investissement public et stabiliser l'économie».

En Grèce, même des économistes proches du patronat estiment que la réduction des coûts salariaux contenue dans le mémorandum «n'était pas le principal problème à régler pour améliorer la compétitivité».

Selon Anguelos Tsakanikas, chercheur pour l'institut IOBE, en imposant l'abaissement du coût salarial via la baisse du salaire minimum, l'Europe veut surtout se créer une périphérie à bas salaires pour les besoins de ses propres entreprises.

«Ce n'est pas juste de créer des pays à bas salaire et cela ne faisait pas partie de l'accord européen original, nous devions aller vers une convergence, pas une divergence», dit-il.

Selon lui, «la priorité absolue pour relancer l'activité est la réduction des tracasseries administratives pour les entrepreneurs, la réforme de l'Etat.

«Si vous voulez exporter un conteneur un samedi, vous ne pouvez pas car les douanes sont fermées. Dans tous les autres ports du monde, c'est possible pourtant, et sans avoir à payer plus pour celà. Idem pour obtenir un permis de construire. Il faut entre 3 et 5 ans pour agrandir une usine ou pour construire un hôtel sur une île», explique-t-il.