Analyse: c'est dans des conditions pénibles et encore périlleuses qu'Athènes paraît en voie d'arracher un double accord politique et financier, susceptible de lui éviter de faire faillite le mois prochain.

Jeudi matin, les leaders des trois partis de la coalition gouvernementale se sont finalement entendus sur de nouvelles mesures d'austérité douloureuses après plus de huit heures d'âpres négociations. Les nouveaux sacrifices demandés ont été accueillis par un mot d'ordre de grève générale de 48 heures, le deuxième cette semaine, à partir d'aujourd'hui.

Le plan prévoit notamment une baisse de quelque 20% du salaire minimum, l'abolition du pécule de vacances (équivalent à un ou deux mois de salaire), la suppression de milliers d'emplois dans la fonction publique et la diminution des prestations de retraite.

Plusieurs députés de la coalition, formée des partis PASOK (socialiste), Nouvelle Démocratie (droite) et Laos (extrême-droite), mais dirigée par le technocrate non élu Lucas Papademos, ont annoncé qu'ils boycotteront dimanche la session extraordinaire où le plan doit être adopté, sans menacer toutefois l'issue du vote. Les rumeurs vont bon train que des élections générales soient tenues au printemps.

Voilà de quoi tempérer la hâte des ministres des Finances de l'Union européenne (UE), réunis hier soir à Bruxelles, à lui donner leur accord. La décision est reportée au 20 février. Un oui est crucial pour qu'Athènes reçoive une première tranche du deuxième plan d'aide de 130 milliards d'euros.

Le pays du bouzouki doit renouveler 14,5 milliards de ses obligations qui viennent à échéance le 20 mars. Il a absolument besoin de l'aide de l'UE et du Fonds monétaire international (FMI), dont la directrice générale, Christine Lagarde, participait au sommet de Bruxelles, hier soir.

Sinon, c'est la faillite que veulent aussi éviter l'UE et le FMI par crainte d'une contagion de la crise aux dettes irlandaises et portugaises, déjà attaquées par les spéculateurs qui parient sur la mort de l'euro.

Délicate négociation

Entre-temps à Paris, le gouvernement grec doit aussi poursuivre la délicate négociation avec ses créanciers privés. Ils seraient désormais d'accord pour troquer quelque 200 milliards d'euros de la dette grecque en leurs mains contre de nouvelles obligations. Elles viendraient à échéance dans 30 ans, porteraient un faible taux de 3,6% et seraient libellées à seulement 30% de la valeur faciale des anciennes. Un accord formel doit être conclu au plus tard le 13 février, de manière à s'assurer que toutes les formalités aient été remplies à la date fatidique du 20 mars.

L'autre centaine de milliards de la dette est aux mains des pays de l'UE, du FMI, des banques centrales de la zone euro, et de la Banque centrale européenne (BCE).

La BCE ne peut monétiser la dette des États membres de la zone euro, contrairement à la Banque d'Angleterre. Celle-ci a même annoncé hier qu'elle portait de 275 à 325 milliards de livres son programme de créations de réserves bancaires pour relancer l'économie du Royaume-Uni.

Les obligations grecques détenues par la BCE sont le résultat de sa politique d'aide aux banques européennes, grandes créancières de la Grèce. Comme elles ne parviennent plus à se financer sur les marchés financiers, elles empruntent auprès de la BCE et donnent en nantissement des titres de dette publique.

La BCE a ainsi acquis à prix bradé plusieurs milliards d'obligations grecques qu'elle compte se faire rembourser à 100%, à l'échéance. Autrement, cela équivaudrait à financer un gouvernement, ce qui est contraire à sa loi constitutive.

Rumeurs persistantes

Des rumeurs persistantes font état de la possibilité que la BCE cède à leur valeur faciale ses obligations grecques au Fonds européen de stabilité financière qui, lui, pourrait absorber une perte semblable à celle des créanciers privés. Athènes aurait ainsi une dizaine de milliards d'euros à rembourser en moins.

Le président de la BCE, Mario Draghi, a refusé hier de commenter cette hypothèse au cours de la conférence de presse suivant la décision de la BCE de reconduire son taux directeur à 1%.

Il s'est cependant montré moins pessimiste sur l'état de l'économie eurolandaise. Tout en réitérant que les perspectives sont sujettes à des risques baissiers et à une incertitude élevée, il a omis de les qualifier de substantiels comme il l'avait fait le 12 janvier.

Ces risques restent cependant substantiels en Grèce qui entre dans sa cinquième année de récession d'affilée.

Les mesures d'austérité exigées par l'UE, le FMI et la BCE sont de nature à creuser encore cette récession qui pousse déjà le taux de chômage au-delà des 20%.

Et moins la croissance sera au rendez-vous, plus il sera improbable que la Grèce parvienne à ramener de 160% à 120% le niveau de sa dette par rapport à la taille de son économie d'ici 2020.

La moussaka budgétaire devient de plus en plus indigeste, tant pour les Grecs que pour ses créanciers...