RAP ou pas RAP? Christian et Manon, tous deux au début de la quarantaine, sont prêts à acquérir leur première maison.

Ils habitent au rez-de-chaussée du duplex de la mère de Manon, Gisèle, qui occupe le logement de l'étage. Échange de bons procédés: ils s'occupent de l'entretien du terrain et du déneigement, tandis que grand-maman offre ses services de gardienne occasionnelle.

Gisèle voudrait leur céder sa propriété, tout en demeurant pour l'instant à l'étage.

Le prix convenu serait celui de l'évaluation municipale, soit 428 200 $.

Pour faciliter l'acquisition, une lettre de reconnaissance de dette s'élevant à 78 200 $ sera signée entre le couple et Gisèle. La dette porterait intérêt à 1 %, et Christian et Manon la rembourseraient à leur rythme, selon leur capacité budgétaire. Un prêt hypothécaire sera demandé pour le solde, soit 350 000 $.

Pour réduire l'emprunt hypothécaire, Christian et Manon songent au Régime d'accession à la propriété, mieux connu sous cet acronyme très rythmé: RAP.

Manon retirerait 25 000 $ des 26 000 $ qu'elle détient en REER, alors que Christian apporterait une contribution de 10 000 $, puisées dans ses épargnes REER de 14 000 $, pour un total de 35 000 $.

«On voulait savoir si on devrait «raper» ou pas, demande Manon. Peut-être que ça n'en vaut pas la peine. J'avais déjà suivi des cours d'accès à la propriété et ils avaient donné un exemple de l'impact sur les épargnes de retraite si on utilisait le RAP.»

Retraite et retrait RAP

Le dilemme du couple a été pris en charge par Shahla Tabti, planificatrice financière principale au Groupe Gestion Privée Scotia/Scotia McLeod.

Elle rappelle qu'en recourant au RAP, le détenteur d'un REER peut puiser dans ses fonds enregistrés pour faciliter l'achat de sa première propriété résidentielle. Il peut ainsi retirer jusqu'à 25 000 $ sans payer d'impôt et sans pénalité.

Ni l'acheteur ni son conjoint ou conjoint de fait ne doivent avoir été propriétaires d'une résidence principale au cours des cinq dernières années.

Tout va bien, c'est le cas tant de Christian que de Manon.

Les 78 200 $ que Gisèle accorde au couple en reconnaissance de dette constituent une mise de fonds représentant 18,26 % du prix d'achat.

L'assurance prêt hypothécaire

«Ce pourcentage étant inférieur aux 20 % nécessaires pour éviter l'assurance prêt hypothécaire, le couple devra payer la prime exigée par la SCHL, qui équivaut à 1,75 % du montant de l'hypothèque, soit 6125 $», indique Shahla Tabti. En y ajoutant cette prime, le prêt hypothécaire s'élèverait à 356 125 $.

Il manque 7440 $ en mise de fonds pour atteindre le seuil des 20 % et faire disparaître la prime. Vaut-il la peine d'utiliser le RAP pour puiser cette somme dans les REER du couple?

L'emprunt hypothécaire serait alors ramené à 342 560 $. En supposant un amortissement sur 25 ans et un taux d'intérêt de 3,5 %, la mensualité passerait ainsi de 1778 $ à 1710 $, pour une économie de 68 $ par mois.

Mais il faut rembourser le retrait RAP de 7440 $. Le gouvernement impose à cet égard des règles strictes: à compter de la deuxième année suivant le retrait, l'acheteur doit remettre chaque année dans son REER 1/15 de la somme retirée, faute de quoi ce montant est ajouté au revenu de l'année et imposé en conséquence. Pour Christian et Manon, il s'agit d'un remboursement annuel de 496 $, soit une somme de 41,33 $ par mois, largement couverte par la réduction de la mensualité hypothécaire.

Voilà un retrait RAP rentable, qui «n'entamera pas leurs liquidités», commente Shahla Tabti.

Le couple devrait-il pousser la logique plus loin et retirer 27 560 $ de plus de ses REER, pour atteindre les 35 000 $ auxquels ils songeaient au départ? Le remboursement de ce retrait supplémentaire s'élèverait à 153 $ par mois.

Or, le couple consacre actuellement 180 $ par mois aux épargnes REER. Avec ce remboursement supplémentaire au REER - sans compter les nouvelles dépenses de propriétaires-, il n'y aurait donc pratiquement aucune nouvelle épargne pour leur retraite au cours des 15 prochaines années. «De plus, le retrait du REER fait perdre la capitalisation des revenus de placement à l'abri de l'impôt, qui constitue, avec la déductibilité des cotisations, l'avantage principal du placement REER», fait valoir la planificatrice.

Un retrait rentable?

L'emprunt hypothécaire se trouverait encore réduit de 27 560 $, mais cette tranche ne procurerait pas d'économie de prime d'assurance, celle-ci étant déjà réduite à zéro avec les premiers 7440 $.

Pour savoir si ce retrait supplémentaire est rentable, il s'agit donc de comparer les taux hypothécaires et le rendement espéré du REER au cours des 15 prochaines années. «À taux égaux, le RAP demeure moins avantageux que la conservation des placements dans le REER, affirme Shahla Tabti. En effet, le remboursement du RAP diminue les liquidités du couple, notamment celles consacrées aux nouvelles épargnes REER qui, elles, donnent droit à une déduction d'impôt.»

Les taux hypothécaires fixes à terme de cinq ans gravitent actuellement autour de 3,4 %. Pour que le retrait RAP supplémentaire de 27 560 $ soit avantageux, il faudrait donc que le rendement sur les placements REER au cours des cinq prochaines années soit supérieur à 3,4 %.

Quoi qu'il en soit, le retrait de 7440 $ pour éliminer la prime d'assurance prêt hypothécaire demeure pertinent.