François-Charles Sirois s'est joint à Telesystem en 2006 avec le mandat de transformer la stratégie à long terme du holding d'investissements qu'avait bâti son père, Charles Sirois. Six ans plus tard, l'orientation stratégique de Telesystem est claire, le fonds d'investissement veut participer à la création d'entreprises globales dans le secteur des médias et des technologies.

C'est dans un tout petit bureau en coin, inondé de lumière, au 38e étage d'une tour à bureaux du centre-ville de Montréal que François-Charles Sirois nous accueille. Rien d'ostentatoire ne meuble les lieux si ce n'est une rutilante moto Duccati rouge de 900 cc qui est négligemment accotée sur la fenêtre.

«Elle est là depuis cinq ans, depuis que j'ai arrêté d'en faire. Mais c'est une belle machine», observe rêveusement le jeune PDG dont la paternité de trois jeunes enfants a calmé les ardeurs de jeunesse.

Malgré ses 36 ans, François-Charles Sirois garde un air résolument juvénile, un peu comme son père qui ne semble pas encore avoir vieilli après avoir pourtant roulé sa bosse aux quatre coins du momde depuis plus de trente ans.

«J'ai joint Telesystem au moment où on venait de quitter le monde des télécoms. Mon père avait créé National Pagette - vendue à Bell - puis Microcell (Fido) - vendue à Rogers - et TIW -vendue à Vodaphone. On avait aussi disposé de Téléglobe. Il fallait donc décider ce qu'on voulait faire après les télécoms», se remémore-t-il.

En 2006, Telesystem avait des participations dans des entreprises d'une multitude de secteurs: santé, environnement, médias, logiciel, Internet, innovations industrielles. Il fallait faire des choix et prioriser des champs d'intervention.

«Nous on est pas un fonds d'investissement traditionnel. Notre rôle c'est de développer et d'accompagner des entrepreneurs sur le long terme pour amener leur entreprise sur la scène mondiale. On n'investit pas pour un horizon de cinq ou sept ans. On est là pour le long terme,» insiste le gestionnaire.

François-Charles Sirois a donc décidé de canaliser les efforts et les capitaux de Telesystem vers les entreprises du secteur des médias et des technologies.

«On a des participations qui varient de 10% à 50% dans dix huit entreprises et va les conserver. Mais on veut vraiment privilégier les six ou sept entreprises de nos secteurs porteurs où notre participation oscille entre 35% et 50%», précise-t-il.

Dans le secteur des médias, Telesystem est notamment copropriétaire avec la Caisse de dépôt du producteur de télévision Zone 3. Avec Novacap et Erik Boyco, la société contrôle la firme Stingray Digitial, un chef de file du divertissement numérique.

Elle est aussi une importante partenaire de Wooz World, une plateforme de jeu interactif pour enfants sur Internet qui compte pas moins de 1,3 million d'abonnés dans le monde.

«Zone 3 a produit l'an dernier 46 séries d'émissions de télévision, dont 6 en anglais. On veut en faire le plus important producteur au Canada. Avec Stingray Digital, on est en train de consolider le marché du divertissement musical numérique. On est un joueur global», souligne François-Charles Sirois.

Innovations et technologies

Dans le secteur des technologies, François-Charles Sirois est particulièrement excité des avancées qu'a réalisées la société Prevtec une entreprise de biotechnologie agroalimentaire - qui a appartient à 40% à Telesystem - qui vient de commercialiser le Coliprotec, un produit alternatif qui permet de remplacer les antibiotiques dans les élevages de porcs.

Le Brésil vient de signer une importante commande de cet antiantibiotique et d'autres applications sont à prévoir.

Telesystem attend aussi beaucoup de la société CVTCORP, une entreprise qui développe et produit des transmissions à variation continue, une innovation qui pourrait révolutionner certains procédés industriels.

«On a financé le prototype, l'étude de marché et la construction de l'usine à Sainte-Julie. Cette transmission permettrait à John Deere de réduire de 35 à 1 le nombre de leurs modèles de ses transmissions de tracteurs. Toutes les génératrices pourront réduire de 25% leur combustion de carburant», explique, enthousiaste le président de Telsystem.

Pour le développement de cette seule entreprise, Telesystem a investi depuis 2005 quelque 38 millions. Elle détient 50% de ses actions de CVTCORP.

Un parcours animé

C'est comme entrepreneur de l'Internet que François-Charles Sirois a débuté sa carrière dans le monde des affaires. Diplômé des HEC en Finances et en Marketing, il veut lancer sa propre entreprise, mais son père le convainc d'acquérir un peu d'expérience au préalable.

Il se joint donc à Téléglobe en 1997 à titre de gestionnaire de produits, dans le domaine de l'hébergement de sites Internet. Il développe par la suite des applications de sites de commerce électronique en créant la firme up2 Technologies.

«En un mois, j'ai vendu pour 100 000$ d'applications. Le problème c'est qu'elles n'étaient pas encore créées. On a lancé le projet, mais en 2000, on a vendu Téléglobe alors je me suis retrouvé chez Microcell où j'ai pris la direction i5, une nouvelle entité qui devait voir au développement de contenu Internet pour les mobiles. On était 8 ans avant notre temps.

«Parallèlement, on a créé Masq, une entreprise qui avait le mandat de développer un système de paiement par téléphone.

«Le 11 septembre 2001, j'ai pris l'avion pour aller présenter notre produit à San Diego à la conférence internationale des télécoms. Je devais faire une correspondance par Philadelphie. Notre avion survolait New York aux alentours de 8h40 quand les tours ont été attaquées», se rappelle-t-il.

François-Charles Sirois n'a jamais mis les pieds à San Diego. Une fois à Philadelphie, le trafic aérien a été interrompu. Il a loué une auto pour rentrer à Burlington. Le taxi qui devait l'amener au poste frontalier l'a laissé en plein milieu de l'autoroute.

«Il pensait que j'étais un terroriste. Le douanier qui m'a vu arriver à pied ne m'a posé aucune question et m'a laissé entrer au pays», relate-t-il en riant.