La cause type dans l'affaire des franchisés Prospector s'est ouverte hier matin à la Cour canadienne de l'impôt, dans le Vieux-Montréal.

Les avocats de l'appelant, menés par Guy Du Pont, du cabinet Davies Ward, entendent déposer en preuve plus de 25 cahiers s'étalant sur 7500 pages. On a compté 25 boîtes de carton autour des tables où ont pris place les avocats des deux parties. Il est question de déménager dans une salle d'audience plus vaste pour la suite du processus. Devant durer toute la semaine, les audiences pourraient se prolonger au-delà de cette date, vu l'ampleur de la preuve présentée.

Un abri fiscal risqué

Il y a un an, La Presse a révélé que le réseau Prospector, de l'homme d'affaires Claude Duhamel, avait incité plus de 400 investisseurs à injecter 35 millions de dollars dans un abri fiscal entre 2003 et 2007. Des franchises de commercialisation de logiciels étaient vendues à des particuliers, notamment des professionnels de la santé comme des dentistes et des médecins, par l'entremise de conseillers financiers. Ceux-ci insistaient sur les avantageuses économies d'impôt rattachées à la franchise. Au total, ces économies d'impôt étaient deux fois supérieures aux débours véritables des investisseurs. Or, les déductions fiscales ont été refusées par Revenu Canada. Les franchisés risquent de devoir rembourser plus de 70 millions.

Dans cette cause type, l'appelant est André Drouin, de Pierrefonds, un ingénieur informatique qui a travaillé chez Nortel et qui est chez CAE depuis 2008. Le 28 décembre 2007, il a acheté une franchise Prospector en déboursant 15 000$ à la signature du contrat, le solde de prix de vente de 230 000$ a été financé par un billet à ordre de 10 ans. Le même jour, il a conclu un contrat de gestion avec le Réseau Prospector, dirigé par Claude Duhamel, homme d'affaires controversé qui a eu des problèmes avec l'Autorité des marchés financiers et son ancêtre, la Commission des valeurs mobilières du Québec.

Économies d'impôt gonflées

André Drouin n'a peu ou pas payé d'impôt en 2007 et 2008 bien qu'il gagnait plus de 90 000$ par année. La raison? Il a déclaré de substantielles pertes d'entreprise à la suite de son achat d'une franchise Prospector. L'impôt a refusé sa déduction le 27 août 2009. M. Drouin a produit un avis d'opposition le 28 octobre 2009.

Le franchisé demande des déductions fiscales illégales, puisqu'il n'a pas de réelles activités d'affaires, d'après le fisc. M. Drouin n'a en effet déclaré aucun revenu d'entreprise pour sa franchise. Le seul intérêt de la franchise, plaide Revenu Canada, est d'obtenir des avantages fiscaux bien supérieurs à la somme déboursée. Selon les calculs de l'Agence du revenu du Canada, M. Drouin a déboursé 30 000$ pour obtenir des économies d'impôt de 82 444$ en deux ans.

Ses avocats soutiennent que M. Drouin exploite une entreprise en vue de tirer des revenus et a droit à ses déductions, même si ses efforts n'ont pas porté les fruits escomptés.

Hier, on a entendu Thomas Jones, de Morin-Heights, qui a été responsable des ventes de Prospector de 2000 à aujourd'hui. Celui-ci a expliqué les diverses stratégies mises de l'avant pour assurer la commercialisation des logiciels de Prospector.

M. Duhamel témoignera dans la cause de M. Drouin. Le franchiseur de Prospector, Marc Bernier, Québécois vivant aux îles Turks et Caicos, sera aussi appelé à la barre des témoins.

La cause se poursuit aujourd'hui.