La zone euro, au coeur de la tempête, a passé mardi avec succès un test sur les marchés au lendemain de la dégradation de la note de son principal fonds de secours, le FESF, après l'Espagne qui est parvenue elle aussi à emprunter sans difficulté près de 5 milliards d'euros.

Madrid, dont la note financière avait été dégradée avec celle de huit autres pays de la zone euro dès vendredi par S&P, a annoncé avoir levé 4,88 milliards d'euros en bons du Trésor à 12 et 18 mois. Mais surtout elle a enregistré une demande très importante, de 16,7 milliards d'euros, et a pu emprunter à des taux divisés par deux par rapport à décembre.

Le FESF a réussi à lever sans difficulté 1,5 milliard d'euros sur six mois au taux de 0,26%. L'émission a reçu trois fois plus de demandes que ce que le fonds comptait lever au départ.

Après la dégradation de la note des pays de la zone euro vendredi, qui l'abondent, c'est logiquement celle de ce fonds que S&P a abaissé lundi, d'un cran à «AA+».

Cette nouvelle, anticipée, a laissé de marbre les marchés, prompts pourtant à s'émouvoir ces derniers mois du moindre sursaut de la crise de la dette en zone euro. La Bourse de Paris a même bondi au-delà de +2% à l'annonce du résultat de l'émission espagnole.

Plus que les dégradations, les investisseurs suivent avec anxiété les négociations sur l'effacement d'une partie de la dette grecque.

Les discussions, qui doivent reprendre mercredi, semblent tourner au dialogue de sourds entre d'une part les banques privées, réticentes à subir de lourdes pertes, et l'Allemagne notamment, qui réclame des sacrifices de leur part.

L'annonce de S&P sur le FESF a toutefois relancé le débat sur la nécessité de renforcer encore ce fonds destiné à voler au secours des pays en difficulté.

Pour le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, il faut des «contributions supplémentaires des pays encore notés AAA» pour que le FESF conserve «la même capacité» ou puisse prêter «au même taux», même après une dégradation.

M. Draghi sait qu'il suffit d'un rien pour que reprennent les appels à une intervention plus forte de la BCE face à la crise, ce que l'institution refuse.

À l'heure actuelle, quatre pays sont encore notés «AAA» par SP en zone euro: l'Allemagne, première contributrice à tous les plans d'aide, les Pays-Bas, la Finlande et le Luxembourg.

Au contraire, le ministre français de l'Économie François Baroin juge qu'il n'y a «pas besoin d'agir» tandis que le patron du Fonds Klaus Regling a assuré, depuis Singapour où il effectue un déplacement, que la capacité de prêts du FESF n'était pas remise en cause.

Quant à l'Allemagne, qui redoute depuis longtemps qu'on ne lui réclame de remettre au pot, elle reste sur une ligne très claire: «Les garanties apportées au FESF suffisent largement pour ce qu'il a à faire au cours des prochains mois», a encore déclaré lundi son ministre des Finances Wolfgang Schäuble.

Mais selon une source gouvernementale européenne, les responsables de la zone euro s'attendent à ce que le débat sur la nécessité de renforcer les fonds de secours rebondisse.

Le président du Conseil italien Mario Monti a d'ailleurs demandé à l'Allemagne d'aider l'Italie et les autres pays de la zone euro surendettés à abaisser leurs coûts d'emprunt, dans un entretien paru mardi dans le Financial Times.

La capacité de prêts de l'actuel fonds temporaire FESF est de 250 milliards d'euros environ sur une enveloppe initiale de 440 milliards, un montant jugé de toute façon insuffisant s'il fallait venir en aide à l'Italie.

Pour y remédier, il avait été décidé à l'automne d'augmenter sa force de frappe en mettant sur pied un système de garantie partielle des prêts aux pays fragiles. Ce système doit cependant attirer des investisseurs du monde entier pour fonctionner, dont la Chine, ce qui n'a pas vraiment marché jusqu'ici.

Mardi, Pékin, fort d'une croissance de 9,2% l'an dernier, a répété être prêt «à travailler avec la communauté internationale pour continuer à soutenir les efforts de l'Europe dans sa lutte contre la crise des dettes souveraines» et lui faire confiance pour sortir de la crise.