De façon cyclique et systématique, l'industrie du transport aérien traverse des crises dont seule l'ampleur varie d'une fois à l'autre. Heureusement pour lui, Calin Rovinescu, le PDG d'Air Canada, est devenu un spécialiste de la gestion de crise et il compte bien utiliser cette expertise pour orchestrer les changements qui assureront, espère-t-il, la pérenité de l'entreprise.Air Canada célèbre cette année son 75e anniversaire. Ce qui témoigne d'une longévité exceptionnelle dans une industrie où bien des entreprises qui semblaient indestructibles ont brutalement levé les pattes.

« American Airlines qui était encore récemment le plus gros transporteur aérien au monde vient de se placer sous la protection de la loi sur les faillites. Elle est en voie de subir le même sort que TWA qui était aussi une grande entreprise aérienne. Pan-Am est devenue aujourd'hui une télésérie », constate froidement Calin Rovinescu.

Avocat d'affaires, Calin Rovinescu était associé chez Stikeman Elliott lorsqu'il s'est joint à Air Canada, en 1999, à titre de conseiller pour neutraliser l'offre d'achat du conglomérat Onex.

À la suite de cette première crise, il a occupé différentes fonctions de président de divisions du transporteur, dont notamment Jazz et Aeroplan, avant d'être responsable de la pénible restructuration qui duré de 2002 à 2004 et qui a permis à Air Canada d'émerger de la faillite.

Il a quitté en 2004 pour fonder Genuity Capital Markets, une banque d'investissement indépendante, avant de revenir comme PDG du transporteur en avril 2009.

Air Canada vient de connaître une année difficile, admet Calin Rovinescu. Deux renouvellements de contrat de travail ont été imposés, le premier par une loi spéciale du gouvernement fédéral, pour les 3800 agents de vente et de services à la clientèle, et le second par un arbitre fédéral pour les 6800 agents de bord.

C'est maintenant au tour des 4000 pilotes et des 12 000 bagagistes de renouveler leur contrat de travail cette année alors qu'Air Canada est redevenue déficitaire en cumulant une perte de 113 millions pour les trois premiers trimestres de 2011.

« Oui, 2011 a été une année difficile et on a beaucoup de défis pour 2012. Mais en dépit du contexte qui peut sembler négatif, Air Canada a été désigné meilleur transporteur aérien international en Amérique du Nord par la firme Skytrax, une référence mondiale.

«On est toujours désigné comme le meilleur transporteur par les voyageurs d'affaires canadiens. On a aussi réalisé en 2011 notre deuxième meilleur taux d'occupation de notre histoire. C'est là-dessus qu'il faut bâtir», insiste Calin Rovinescu.

Transporteur à moindre coût

Encore cette année, Air Canada n'a pas été épargnée par les fortes fluctuations des prix du pétrole. À elle seule, la hausse des coûts de carburant a entraîné des dépenses additionnelles de 800 millions.

La hausse du dollar canadien a aussi affecté la rentabilité du transporteur. Avec pour résultat que l'action d'Air Canada a perdu 68 % de sa valeur en 2011.

«On n'a pas le choix, il faut réduire nos coûts si on veut rester concurrentiel. Les transporteurs à rabais nous font un tort considérable. Notre structure de coût est de 35 à 40 % plus élevée que celle de nos compétiteurs, on a plus de marge de manoeuvre», déplore le PDG.

Air Canada n'a d'autres choix, selon lui, que de lancer une filiale à coût réduit comme l'ont fait Qantas et Singapour Airlines. L'entreprise pourrait le faire à même ses effectifs ou créer une nouvelle entité.

«On va rester un transporteur traditionnel (legacy carrier) avec tous nos services à valeur ajoutée tels que notre réseau de réservations, notre site web très performant, nos salons feuille d'érable, nos sièges plus confortables et nos systèmes de divertissement en vol, mais il faut avoir une activité parallèle à moindre coût pour ne pas perdre nos passagers qui veulent payer moins cher», expose Calin Rovinescu.

Plan de match

Lorsqu'il a pris la direction d'Air Canada, en avril 2009, Calin Rovinescu s'était fixé quatre grands objectifs qu'il estime avoir atteints.

«Il fallait remettre le client au centre de toutes nos préoccupations, ce qu'on a fait et ce qui nous permet aujourd'hui de renouer avec l'image de marque d'Air Canada, tant à l'international que chez nous.

«On a mis en place un programme de transformation de coûts. On avait fixé à 530 millions les économies annuelles et récurrentes qu'il fallait faire, on les a obtenues. Il fallait devenir un champion international et c'est qu'on est devenu. On a affecté pour 2 milliards d'appareils pour desservir l'Asie.

«Enfin, il fallait changer la culture et favoriser l'intrapreneurship, afficher une plus grande ouverture aux changements. C'est un processus qui n'a pas de fin, mais on a fait des progrès», observe-t-il.

La décision stratégique marquante

La décision stratégique la plus marquante que Calin Rovinescu estime avoir prise depuis qu'il dirige Air Canada a été celle d'effectuer le repositionnement de l'entreprise aérienne sur le marché international.

«Notre réputation était bien établie. Air Canada est une marque reconnue mondialement, mais il fallait livrer la prestation de façon adéquate à tous les niveaux de l'opération: de la réservation à l'embarquement jusqu'au service en vol.

«De plus en plus d'Américains choisissent Air Canada pour aller en Asie. Ils transitent par Toronto et ont accès à un vol quotidien sans escale pour Pékin, Shangaï ou Tokyo. Même chose à Vancouver.

«L'international représente 35% de nos revenus annuels. Notre objectif est de hausser cette participation à 50%. On va capitaliser sur nos nouveaux Boeing 787 à partir de 2014», anticipe le PDG.