Qu'il est difficile d'exhorter les gens à épargner quand ils peinent à joindre les deux bouts, quand le rendement, imposable de surcroît, qu'on leur offre depuis des années ne couvre même pas l'augmentation du coût de la vie, quand leur fardeau fiscal augmente, que le crédit a rarement été aussi accessible!

Tout au mieux parvient-on à les persuader que le poids de leurs dettes doit les inciter à l'alléger quelque peu.

Certes, on rembourse son prêt hypothécaire, étalé le plus souvent sur 25 ou 30 ans, tout heureux de lire que ce type de dette est stable et représente 68% de l'endettement moyen des ménages, depuis 10 ans.

On oublie que les dettes totales des ménages canadiens augmentent sans cesse, au point de correspondre à 153% de leur revenu disponible. Du jamais vu, qui inquiète le ministre des Finances et la Banque du Canada.

Il ne s'agirait que d'une augmentation imprévue du chômage pour que les faillites individuelles se multiplient. Nous n'en sommes pas encore là, mais le marché du travail stagne, au mieux.

Le taux d'épargne diminue parallèlement. L'an dernier, il n'était plus que de 3,9%, soit moins que les 4,4% des ménages américains, réputés paniers percés.

Il ne sera pas facile de le redresser cette année quand on constate que le salaire hebdomadaire moyen au Québec avait augmenté de 2,8%, d'octobre à octobre, alors que le taux d'inflation progressait de 3,3%.

D'autant pas facile que les ponctions faites par Ottawa et Québec sur notre revenu disponible grossissent encore: augmentation de 52$ par année aux cotisations d'assurance emploi, de 100$ à la contribution santé du Québec, de 0,15% de notre salaire pour la contribution au Régime des rentes du Québec, sans compter que la TVQ passe de 8,5% à 9,5%, que la taxe sur l'essence sera majorée d'un cent le litre à 17,2 cents, à compter du premier avril.

J'oublie la hausse du permis de conduire et des droits de transport en commun dans beaucoup de municipalités. Après tout, ne faut-il pas favoriser les déplacements actifs, bons, paraît-il, pour la santé?

Et pourtant...

Si l'adage veut qu'on soit plus riches en remboursant ses dettes, à plus forte raison quand elles sont énormes, rien n'empêche de le faire tout en épargnant aussi un peu.

Beaucoup de conseillers financiers sont encore à même de fixer des objectifs atteignables, réalistes, à condition que leur clientèle fasse preuve de discipline.

Pourquoi privilégier cette année l'épargne-retraite sur d'autres véhicules d'économies, comme le compte d'épargne libre d'impôt alors que la production québécoise faiblit, que le chômage augmente, que la création d'un p'tit motton pour les en-cas paraît bien sage?

Parce qu'on peut puiser dans son REER sans perdre sa déduction fiscale, si c'est pour financer l'achat d'un premier logement ou le retour aux études. C'est un avantage que n'offrent pas d'autres véhicules, même s'il est conditionnel au renflouement complet du retrait sur un horizon de 15 ans.

Parce que, si on doit y puiser à cause d'un imprévu, la ponction devient imposable au taux marginal de l'année de retrait et non de celle de la déduction.

Le RVER

Mais il y a une autre raison, particulière aux années fiscales 2011 et 2012.

Dans son dernier budget, le ministre des Finances du Québec Raymond Bachand s'est engagé à mettre sur pied d'ici 2013 un Régime volontaire d'épargne-retraite (RVER). Il s'adresse à tous les travailleurs, salariés et indépendants, qui ne participent pas à un régime complémentaire de retraite parrainé par un employeur. Bref, à la majorité.

Il s'agit d'une mesure peu coûteuse, susceptible d'en inciter beaucoup parmi vous à épargner enfin pour leurs vieux jours, d'autant que le regroupement de la gestion de l'épargne va permettre d'en réduire les frais.

Ce RVER n'aura cependant pas la souplesse d'un REER. Il ne pourra servir qu'à financer la retraite ou, chose qui deviendra de plus en plus rare avec les nouvelles restrictions au Régime des rentes, la préretraite.

Pour tous ceux et celles susceptibles de contribuer dès l'an prochain à un RVER, la possibilité de se créer ou de gonfler son REER tire à sa fin, à moins d'avoir une très grande capacité de mettre de l'argent de côté, ce à quoi les chiffres actuels d'épargne offrent un puissant démenti.