Un nouveau sommet décisif pour tenter de sauver l'euro s'est ouvert jeudi soir à Bruxelles dans un climat de divisions, les Européens se déchirant sur la nécessité d'un changement de traité alors que la BCE a un peu refroidi les espoirs de soutien renforcé de sa part aux pays fragiles.

Les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne se sont retrouvés peu avant 20h (14h heure du Québec) pour tenter de se mettre d'accord sur la réponse immédiate à la crise et sur la discipline budgétaire que veulent à tout prix accroître Berlin et Paris, en l'inscrivant dans le marbre d'un traité modifié.

La pression est énorme sur les épaules des Européens, qui depuis deux ans ne parviennent pas à trouver une réponse convaincante. L'objectif du sommet est à la fois de refonder l'Union monétaire et de trouver des solutions d'urgence.

«Je suis évidemment très inquiet de ce qui se passe en Europe», a affirmé jeudi le président américain Barack Obama lors d'une conférence de presse impromptue à la Maison-Blanche, où il a jugé urgent de faire «quelque chose d'important et d'audacieux» face à la crise de la dette.

Pour la chancelière allemande Angela Merkel, qui se fait prier pour sortir l'artillerie lourde face à la crise, l'euro doit regagner sa «crédibilité» via un durcissement de sa discipline budgétaire, a-t-elle souligné à son arrivée à Bruxelles.

Une réunion en petit comité s'est tenue peu avant le sommet avec les principaux acteurs: notamment le couple franco-allemand, la présidente du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi.

Ce dernier joue un rôle pivot. Le renforcement de la discipline budgétaire doit dans l'esprit de beaucoup permettre à l'institut monétaire d'agir plus massivement pour aider les pays en difficulté comme l'Italie via le rachat de leur dette sur les marchés. Objectif: faire redescendre les taux d'intérêt.

Or, M. Draghi a déçu les marchés jeudi en paraissant écarter une intervention de grande ampleur sur le marché de la dette. Il s'est aussi dit «surpris de l'interprétation» de certains de ses propos, la semaine dernière, qui avaient laissé entrevoir la possibilité d'une action forte de la BCE en échange d'un accord à Bruxelles sur une très stricte orthodoxie budgétaire.

Les moyens de parvenir à cette orthodoxie accrue suscite des divisions entre États.

Paris et Berlin veulent l'inscrire dans le marbre via des changements du traité de l'UE, requérant l'unanimité des 27 pays, y compris donc les dix qui ne participent pas à l'Union monétaire.

Mais la Grande-Bretagne menace de monnayer son feu vert en exigeant des contrepartie en termes d'exemption par exemple à la surveillance paneuropéenne du secteur financier. Ce qui est inacceptable pour ses partenaires. Le premier ministre David Cameron a agité jeudi la menace d'un veto au changement du traité si les «intérêts» de son pays ne sont pas assez pris en compte.

Quant à la Suède, qui ne fait pas non plus partie de la zone euro, son premier ministre a prévenu jeudi qu'il n'avait «pas de soutien pour un changement de traité» dans son opinion.

Paris et Berlin ont déjà prévenu qu'à défaut de pouvoir aboutir à un changement de traité à 27 ils en passeraient par un accord limité aux seuls dix-sept pays de la zone euro, quitte à créer des divisions entre Européens.

«Si nous n'arrivons pas à 27 à construire du solide, mieux vaut construire du solide à 17», a abondé le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker.

Mais ce scénario inquiète les présidents de l'UE , Herman Van Rompuy, de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ainsi que de nombreux pays non membres de l'Union monétaire.

«L'Europe, c'est 27 États membres, pas 17 ou 17 plus», a déclaré le premier ministre polonais Donald Tusk. Toute autre solution «sera fatale à l'Europe», a-t-il mis en garde.

La Roumanie «ne peut pas accepter une Union européenne avec deux catégories d'États membres», a aussi affirmé son président Traian Basescu.

Outre les divergences sur le traité, de sérieux clivages persistent sur la nécessité d'augmenter les moyens financiers de la zone euro pour se protéger contre la contagion de la crise de la dette.

Plusieurs solutions sont actuellement à l'étude mais elles butent régulièrement sur le refus de l'Allemagne.

Berlin rejette notamment les propositions pour muscler le Fonds de secours de la zone euro, notamment en lui permettant à terme de s'alimenter au guichet de la Banque centrale européenne (BCE).

L'Allemagne s'oppose également à l'idée d'euro-obligations, alors que plusieurs de ses partenaires suggèrent de laisser la porte ouverte à terme à ces instruments de mutualisation de la dette publique.

Enfin, l'Europe pourrait renflouer le FMI pour qu'il vole, en retour, au secours de la zone euro. L'idée serait de passer par les banques centrales nationales.

Mais cette solution est déjà contestée sur le plan juridique et Berlin est une nouvelle hostile à toute solution impliquant l'injection de fonds supplémentaires de la part de la zone euro.

«Le FMI va participer» aux «efforts» de la zone euro, a toutefois promis jeudi sa directrice générale Christine Lagarde en arrivant à Bruxelles.