La tension est montée d'un cran en zone euro mardi après la menace de Standard & Poor's de dégrader la note de 15 pays dont l'Allemagne et la France, puis celle du Fonds européen de stabilité financière (FESF), à deux jours du sommet européen de jeudi et vendredi.

Les annonces de S&P, qui ont pesé sur les marchés boursiers européens et l'euro, sont arrivées au mauvais moment pour le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel, qui en proposant lundi soir un «nouveau traité» européen, à 27 ou si besoin à 17, pensaient avoir fait un grand pas.

Cet accord franco-allemand doit être discuté à partir de jeudi soir par les dirigeants européens, mais le temps presse pour trouver une solution convaincante à la crise qui empoisonne la zone euro depuis deux ans.

Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a vivement réagi, dénonçant une menace «exagérée et aussi injuste» de S&P.

Le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer a lui jugé «complètement à contre-temps» cette menace, jugeant qu'elle répondait à des critères davantage politiques qu'économiques.

Toutefois, Mme Merkel a voulu relativiser la portée de cette nouvelle, déclarant mardi à Berlin qu'elle voulait «continuer sur le chemin» des réformes.

Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, son ministre des Finances Wolfgang Schäuble a estimé que l'avertissement de l'agence de notation était la «meilleure incitation possible» avant le sommet européen. «Je ne peux rien imaginer de plus efficace», a-t-il ajouté.

Côté français, le premier ministre François Fillon a estimé à l'Assemblée nationale que l'annonce de l'agence de notation constituait un «avertissement collectif» qui rend incontournable un désendettement.

«Ce que nous dit cette agence est clair: pour les investisseurs, la zone euro et l'Europe ont besoin d'un cadre politique rigoureux, structuré, efficace, capable sur le moyen et long terme de tenir ses engagements», a-t-il ajouté.

Pour Ulrich Stephan, directeur de la stratégie d'investissement pour clients particuliers et entreprises chez Deutsche Bank, la perte du triple A --la meilleure note financière-- «ne serait pas la fin du monde» et l'Allemagne «resterait parmi les valeurs relativement sûres» pour les marchés.

Cependant une dégradation des notes souveraines de la quasi-totalité des pays de la zone euro aurait un «large impact» sur l'économie, selon les analystes de Barclays Capital. D'autres émetteurs de dette, comme les banques ou les institutions publiques pourraient être dégradées dans la foulée, et les investisseurs éviter encore davantage la zone euro.

Un abaissement des notes à long terme de 15 pays de la zone euro, dont les mieux notés l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, l'Autriche, la Finlande et le Luxembourg, mettrait aussi en péril la capacité de prêt du Fonds européen de stabilité financière (FESF), le mécanisme d'urgence de la zone euro, qui maintient l'Irlande et le Portugal à flot, soulignaient mardi matin les économistes.

Or dans l'après-midi, Standard & Poor's a annoncé avoir également placé sous surveillance négative la note du FESF, qui risque de perdre son triple A d'un ou deux crans.

Si les dirigeants européens adoptaient un paquet convaincant de mesures, la Banque centrale européenne (BCE) pourrait «briser le cercle vicieux» d'aggravation de la conjoncture et de l'endettement des États européens en «agissant de façon crédible», c'est-à-dire en rachetant massivement de la dette souveraine, a estimé Holger Schmieding de la banque Berenberg.

Le président de la BCE Mario Draghi sera donc l'objet de toutes les attentions jeudi lors de sa conférence de presse mensuelle.

Mardi, le destin de la monnaie unique a fait l'objet de discussions à Francfort, où le secrétaire au Trésor des États-Unis Timothy Geithner a rencontré Mario Draghi, ainsi que le président de la Bundesbank Jens Weidmann.

Il avait ensuite rendez-vous avec le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble à Berlin, où un point presse doit avoir lieu vers 16h00 GMT (10h00 à Montréal), puis devait se rendre en soirée à Paris où il rencontrera M. Sarkozy et son ministre de l'Économie François Baroin.