Angela Merkel a rejoint Nicolas Sarkozy lundi à l'Élysée pour tenter d'accoucher d'un plan de sauvetage franco-allemand de la zone euro qu'ils proposeront jeudi aux dirigeants européens avec l'espoir, enfin, d'éteindre l'incendie provoqué par la crise de la dette.

Depuis des mois, les rencontres «de la dernière chance» succèdent aux sommets «cruciaux» sans jamais parvenir à sortir l'économie européenne de la nasse financière dans laquelle l'a plongée la crise grecque, pour la plus grande inquiétude du reste de la planète, États-Unis en tête.

Le «déjeuner de travail» qui a débuté» lundi à 13h30 (7h30 à Montréal) entre le président et la chancelière n'échappe pas à la règle. Il s'agit officiellement de peaufiner l'«initiative commune» annoncée il y a quelques semaines pour changer les traités européens en améliorant le fonctionnement erratique de la zone euro et ainsi, selon Nicolas Sarkozy, «garantir l'avenir de l'Europe».

Les détails des discours prononcés la semaine dernière par les deux dirigeants ont souligné le fossé restant à combler avant le sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne (UE), jeudi à Bruxelles.

L'annonce lundi matin par l'Élysée que le déjeuner serait suivi d'une prise de parole suggère toutefois que des progrès ont été faits.

Longtemps éloignés sur le sujet, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel partagent un objectif: renforcer la gouvernance de la zone euro, la «refonder» dit Paris, en imposant à ses dix-sept membres une plus grande discipline budgétaire pour en faire, prône Berlin, une «Union budgétaire».

Mais le couple franco-allemand, sous la pression de ses opinions publiques, diverge encore largement sur l'architecture de ce futur texte.

Comme il l'a dit jeudi à Toulon, le président français s'est rallié à l'idée d'un renforcement de la rigueur budgétaire, avec sanctions contre les États «laxistes». Mais, par souci de «souveraineté», il souhaite faire passer ce tour de vis par les États membres et refuse tout virage «fédéraliste» de l'UE qui ferait de la Commission ou la Cour de justice, ainsi que le propose l'Allemagne, un «super-gendarme» des budgets nationaux.

En échange de ce tour de vis budgétaire, Nicolas Sarkozy attend de sa partenaire un geste en matière de «solidarité» européenne, en d'autres termes d'aide aux pays en difficulté via un rachat de leur dette par la Banque centrale européenne (BCE) ou l'émission «d'euro-obligations».

Mais, comme elle l'a encore martelé vendredi devant le Bundestag, Angela Merkel s'y refuse. Même si la trêve franco-allemande signée à Strasbourg peut laisser penser que Berlin ne s'opposera pas systématiquement à une intervention de la BCE sur le marché secondaire, la chancelière a répété son refus de la voir dévier de sa mission de combattre l'inflation.

Attendu dans le monde entier, le bras de fer franco-allemand inquiète à Bruxelles. «Le problème du couple franco-allemand, c'est que quand il y a des désaccords, ça coince toute l'Europe», ronchonne une source européenne, «ils ont tendance dernièrement à s'enfermer dans un tango infernal, où tout désaccord se transforme en crise».

Ces tractations ont aussi donné matière à controverse politique. En France, à moins de cinq mois du premier tour de la présidentielle, la gauche a fait feu de tout bois contre le «Diktat» imposé par l'Allemagne à l'Europe, au point de voir la droite instruire son procès en «germanophobie».

En tournée à Berlin, le candidat socialiste François Hollande a nié toute dérive anti-allemande en soulignant sa proximité avec ses amis sociaux démocrates d'outre-Rhin, servi par les critiques de l'ancien chancelier Helmut Schmidt contre la politique d'Angela Merkel.

Quelle que soit l'issue du déjeuner de lundi, le président et la chancelière auront encore une chance de peaufiner leur initiative jeudi à Marseille, lors d'une réunion des partis de la droite européenne, avant de rallier Bruxelles.

Dès vendredi, Angela Merkel a pris soin de refroidir les ardeurs de ceux qui espèrent du conclave franco-allemand le «grand coup» susceptible de calmer une fois pour toutes les marchés. Le remède, a-t-elle dit, «va prendre des années».