La Banque centrale européenne (BCE) ne sera pas le prêteur de dernier ressort des États de la zone euro face à la crise de la dette, a signifié une nouvelle fois jeudi son président Mario Draghi, mettant en avant les limites du mandat de l'institution monétaire ainsi que les traités.

«Certains disent que la BCE doit faire plus, d'autres qu'elle doit faire moins», a résumé M. Draghi devant le Parlement européen à Bruxelles, où il présentait le rapport annuel 2010 de l'institution. Mais «il y a un traité. On ne doit pas demander à la BCE de faire des choses hors du traité», a-t-il asséné.

Selon les textes qui fondent l'institut monétaire, son mandat est le maintien de la stabilité des prix. L'inflation doit être maintenue à un niveau proche de 2%, mais sous 2%.

«L'action de la BCE est en permanence guidée par l'objectif de stabilité des prix à moyen terme dans la zone euro», a souligné jeudi M. Draghi, une stabilité qui va «dans les deux sens».

Selon la majorité des économistes, le risque de désinflation est actuellement plus élevé que celui d'envolée des prix. Ils s'attendent à ce que la BCE baisse son principal taux directeur à 1% la semaine prochaine.

Début novembre, prenant acte des risques accrus pesant sur l'économie de la zone euro, elle l'avait déjà porté de 1,50% à 1,25%.

En revanche, les espoirs de la voir endosser le rôle de pare-feu à la crise de la dette semble pour l'instant compromis.

Pour M. Draghi, chacun son rôle, et celui de restaurer la crédibilité des économies nationales appartient aux «gouvernements, individuellement et collectivement».

Si la BCE a accepté de prendre certaines mesures, c'est uniquement pour assurer la bonne transmission de sa politique monétaire, a-t-il encore répété, faisant référence aux rachats sur le marché secondaire d'obligations publiques des États dont les taux d'emprunt flambent.

Ce programme est «temporaire» et «limité», ce qui signifie «pas éternel, pas infini», a-t-il expliqué, douchant les espoirs de la France en particulier de voir l'institut augmenter fortement ses interventions à court terme.

Pour Holger Schmieding, économiste de Berenberg Bank, signifier qu'elle est prête à le faire pourrait déjà suffire à apaiser les marchés.

Mais «notre rôle n'est pas de créer de la liquidité ou de remplacer les gouvernements, mais d'assurer la transmission monétaire», a affirmé M. Draghi.

Jusqu'ici, la BCE a racheté un peu plus de 200 milliards de dette publique. Un montant qu'elle «stérilise» chaque semaine en prenant en échange en dépôt des liquidités des banques, afin d'éviter d'augmenter la monnaie en circulation et de créer de l'inflation.

Toutefois, la dernière opération de stérilisation lundi n'a pas atteint son objectif. Un signe pour certains qu'il sera difficile de continuer sur cette voie, et qu'il faudra que la BCE crée de la monnaie. Ce qui dans le contexte actuel «ne provoque pas de risque inflationniste», selon M. Schmieding.

Sylvain Broyer, économiste de Natixis, fait remarquer que l'institution a aussi pour mission de veiller à la stabilité financière de la zone euro.

«Dans un contexte de contagion de la crise souveraine au secteur bancaire», pouvant conduire à une raréfaction du crédit et nuire à l'économie réelle, «c'est effectivement à la BCE d'agir par des achats» massifs, selon lui.

Ce qu'elle finira par faire, jugent la plupart des économistes.

«Elle refusera de le faire tant que les gouvernements de la zone euro ne se seront pas accordés sur des règles plus claires pour éviter d'accumuler à l'avenir autant de dettes», estime Jennifer McKeown, économiste chez Capital Economics, «ce qui peut prendre un certain temps».

M. Schmieding s'attend à un déblocage de la situation en janvier, à condition que la banque centrale allemande, principal adversaire au programme de rachats d'obligation, convienne qu'il est nécessaire d'agir.

Jeudi, M. Draghi a appelé les États de la zone euro, qui se retrouvent en sommet à Bruxelles les 8 et 9 décembre, à établir un nouveau pacte budgétaire.