Les ministres des Finances de la zone euro se réunissent mardi à Bruxelles avec l'objectif d'avancer sur la construction d'un pare-feu convaincant face à la crise de la dette, sous pression des États-Unis et dans un climat de tensions sur l'avenir de la gouvernance de l'Union monétaire.

La réunion de l'Eurogroupe débute à 17H00 (11h00 à Montréal) et doit servir de préparation au sommet européen des 8-9 décembre, alors que la crise ne donne aucun signe d'apaisement.

Les États comme l'Italie continuent à payer des taux d'intérêt records pour lever des fonds sur les marchés. Ceux de Rome ont dépassé mardi le seuil de 7%, jugé insoutenable à long terme pour la péninsule très endettée, lors d'une émission obligataire très attendue.

En outre, les signes annonciateurs d'une prochaine perte par la France de sa note d'excellence triple A pour son endettement se multiplient.

Selon un article du quotidien français La Tribune, Standard & Poor's pourrait donner dans les prochains jours une perspective négative à la note de la France.

Si la note devait être au final abaissée, c'est non seulement la deuxième économie de la zone euro qui se retrouverait fragilisée, mais l'édifice anti-crise de l'Union monétaire dans son ensemble qui serait fragilisé.

Toute la construction actuelle du Fonds de secours financier de la zone euro (FESF) dépend des notes «triple A» de six pays, dont la France.

La zone euro doit justement tenter de valider mardi soir un plan visant à renforcer ce mécanisme censé endiguer la contagion de la crise.

L'idée est de le transformer en un dispositif d'assurance pour inciter les investisseurs à acheter de la dette de pays fragiles via une garantie d'une partie des éventuelles pertes.

Une autre option vise à attirer des investisseurs extérieurs au sein d'une structure adossée au FESF, pour ensuite acheter de la dette de pays en difficulté.

Mais face à la méfiance croissante des investisseurs à l'égard de la zone euro dans son ensemble, les ambitions pour muscler le Fonds ont été revues à la baisse: l'idée de départ de multiplier par quatre ou cinq les 250-275 milliards d'euros encore disponibles du Fonds a été abandonnée. Désormais, le ratio visé est plutôt compris entre trois et quatre.

Du coup, il n'est plus certain que l'objectif initial de porter la puissance de feu du dispositif à 1.000 milliards d'euros puisse être atteint.

Cela ne risque pas de rassurer les États-Unis qui ont encore profité d'un sommet avec les représentants de l'Union européenne lundi à Washington pour les exhorter à agir avec «force et détermination» pour résoudre la crise.

De son côté, le chef de la diplomatie polonaise Radek Sikorski a lancé un appel aux accents dramatiques à l'Allemagne pour se décider à intervenir pour éviter «l'effondrement» de la zone euro, qui aurait des «conséquences apocalyptiques».

En parallèle, les tractations continuent au sein de la zone euro pour réformer son mode de fonctionnement, en vue du prochain sommet européen.

L'idée d'un accord intergouvernemental réservé aux seuls dix-sept pays de l'Union monétaire, sans en passer par une réforme du traité de toute l'Union européenne, fait son chemin. Voire même un pacte de stabilité renforcé pour seulement quelques pays de la zone euro.

Mais cette solution irrite la Commission européenne et le chef de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker qui y voit une «très mauvaise idée». De son côté, la Grande-Bretagne, qui ne fait pas partie de la zone euro, s'oppose à l'idée d'un accord à 17.

«Nous travaillons avec nos partenaires allemands à proposer un pacte, avec plus de discipline dans la zone euro: retour à l'équilibre budgétaire, règle d'or pour tous les États, et en même temps plus de solidarité de la zone euro, avec des institutions qui seraient plus fortes», a indiqué mardi la porte-parole du gouvernement français, Valérie Pécresse.

La réunion de l'Eurogroupe sera marquée en coulisses par une autre bataille, franco-allemande cette fois. Paris et Berlin revendiquent chacune le poste d'économiste en chef de la Banque centrale européenne (BCE), qui semblait promis à son compatriote Jörg Asmussen.

Paris fait campagne pour Benoît Coeuré, numéro deux du Trésor français, qui doit être nommé mardi soir au directoire de la BCE en remplacement de l'Italien Lorenzo Bini Smaghi, démissionnaire.

Le poste de chef économiste de la BCE est d'autant plus stratégique que les deux pays s'affrontent sur le rôle que doit jouer l'institut monétaire dans la crise de la dette, le premier militant pour une intervention massive tandis que le second estime que la BCE doit rester un rempart contre l'inflation.

Sur un registre plus consensuel, l'Eurogroupe pourrait enfin débloquer mardi une tranche de prêts de 8 milliards d'euros pour la Grèce qui risque sinon de se retrouver en faillite le 15 décembre.

Le versement de cette aide était suspendu à une exigence de la zone euro et du FMI de voir les trois principaux partis politiques grecs s'engager par écrit à appliquer les réformes acceptées par le gouvernement.