Maillon fort de la zone euro, l'Allemagne ne peut plus se targuer d'être épargnée par la crise des dettes souveraines. La première économie européenne n'est pas parvenue hier à vendre le tiers de son émission obligataire, une situation pour le moins inusitée laissant croire que les investisseurs avaient un message à passer à la chancelière Angela Merkel, partisane de la ligne dure dans la recherche de solution à la crise européenne.

«C'est peut-être un signal de la part des investisseurs pour dire à l'Allemagne que si elle ne laisse pas la Banque centrale européenne (BCE) agir comme prêteur de dernier recours, ses taux vont peut-être augmenter sur ses émissions obligataires, explique François Bourdon, cochef des placements chez Fiera Sceptre. C'est ça ou c'est que les gens ne veulent pas acheter d'obligations européennes quelles qu'elles soient.»

Dans les deux cas, la nouvelle est inquiétante. D'autres encans concernant des emprunts d'État sont prévus au cours des prochaines semaines. François Bourdon prêtera une attention particulière à ce qu'il adviendra de l'émission de titres français. «Si la France éprouve autant de difficultés que l'Allemagne, ça pourrait engendrer une dynamique plus complexe», dit-il.

Considérée jusqu'alors comme une valeur refuge, l'Allemagne voulait vendre pour 6 milliards d'euros d'obligations de 10 ans. Seulement 65% ou 3,9 milliards d'euros, ont trouvé preneur à un taux moyen de 1,98%.

«C'est très rare que ce genre de choses arrive pour un gouvernement souverain. Habituellement, non seulement il est capable de l'écouler, mais il y a souvent de la demande excédentaire», dit un autre gestionnaire d'obligations de Montréal qui ne veut pas être identifié.

À titre d'exemple, les États-Unis ont émis hier pour 29 milliards US en obligations de 7 ans à un taux moyen de 1,41%. Il y avait de la demande pour trois fois plus.

Dans la foulée de la réaction des investisseurs à l'égard des titres allemands, le rendement sur les titres 10 ans de la France a monté à 3,615%, celui de l'Espagne à 6,628% et de l'Italie à 6,897%. À titre de comparaison, les Canada 10 ans se vendent à un taux de rendement de 2,04%.

Les taux d'intérêt des obligations évoluent à l'inverse de leur prix. Plus le taux ou le rendement est bas, plus le prix de l'obligation est élevé et inversement.

Le gestionnaire souhaite que la nouvelle d'hier agisse comme un électrochoc qui convaincra les autorités européennes de trouver une solution à la crise des dettes souveraines. «Ce n'est pas rose (ce qui se passe), mais on ne voit pas ça comme la fin du monde», dit-il.

Actuellement, l'Allemagne fait cavalier seul en prêchant les vertus de la rigueur budgétaire aux mauvais élèves de la zone euro et se montre réfractaire à l'idée de donner un rôle accru à la BCE.