La société de portefeuille familiale suisse IHAG-Holding AG devra faire son deuil des 6,2 millions auxquels elle prétend sur la foi du libellé d'un contrat intervenu en 1997 pour la vente à Intrawest - propriétaire notamment de Tremblant et Whistler Blackcomb - de la station de ski, du golf, de l'hôtel et des terrains du Mont-Sainte-Marie, en Outaouais.

La Cour d'appel a en effet confirmé, à la fin octobre, un précédent jugement de la Cour supérieure, prononcé en juin 2009, rejetant les prétentions de la société suisse.

Dans sa décision, le banc de trois juges de la Cour d'appel reproduit certains des commentaires du magistrat de première instance, notamment à l'effet que IHAG, avec son recours, «fait preuve de mauvaise foi, à tout le moins d'abus».

C'est que les deux cours estiment que la société suisse a tenté de tirer parti d'une erreur dans la rédaction finale de l'entente scellant la transaction afin d'empocher davantage que son dû.

«Le juge, écrit la Cour d'appel, conclut que cela [donner à IHAG ce qu'elle réclame] mènerait à une transaction déraisonnable; en additionnant les 6,2 millions de dollars demandés aux 3,2 millions de dollars déjà payés dans le cadre de la transaction, le multiple de l'EBITDA (bénéfice d'exploitation) serait de l'ordre de 11, ce qui constitue un résultat aberrant pour ce genre de transaction.»

Dans les faits, ont tranché les tribunaux en accord avec la position d'Intrawest, la complexe entente évoquait plutôt un prix de vente notamment composé d'une somme à être versée en sus, sur quatre ans, dépendant des résultats d'exploitation obtenus par Intrawest, sur la base d'un multiple de 4,8 du bénéfice d'exploitation excédant 2 millions.

D'où vient la divergence d'interprétation, qui aurait valu à IHAG 6,2 millions de plus si la firme avait eu gain de cause?

Les versions préliminaires de l'entente - l'intention des parties dans le jargon juridique - évoquaient toutes la version soutenue par Intrawest et retenue au final par les tribunaux, mais le contrat, que l'avocate d'Intrawest a retravaillé avant sa signature dans le but de le simplifier, disait l'inverse de ce qui avait été convenu.

«L'avocate de l'intimée tente d'alléger la troisième version du contrat afin de rendre sa lecture plus claire. À cette fin, elle réorganise certaines définitions, mais cela a pour résultat d'introduire une confusion», dit la Cour d'appel.

Ni IHAG ni Intrawest n'ont remarqué la coquille reproduite dans les six versions subséquentes du contrat finalement signé en 1997. Cinq ans plus tard, de façon contemporaine à la revente des installations à Fortune Group, la société suisse réclame sa part du bénéfice d'exploitation en s'appuyant sur le libellé de l'entente.

Les tribunaux ont eu à décider ce qui avait préséance: le contrat signé avec une clause de «complete agreement» qui le scelle, comme le demandait IHAG, ou l'intention commune des parties défendue par Intrawest, telle que mise en preuve par les ébauches d'entente précédentes.

La Cour supérieure et la Cour d'appel ont tranché en faveur du propriétaire de Tremblant et de Whistler Blackcomb.

Toute cette histoire commence en 1995 lorsque IHAG décide de vendre la station de ski Mont-Sainte-Marie, son golf, son hôtel et 3200 acres de terrains limitrophes à développer, après une série d'années difficiles et d'importants investissements.

Intrawest s'intéresse au processus d'enchères, mais ne fait pas d'offre. Sollicitée à nouveau en 1996, la société se ravise et soumet une proposition qui s'appuie sur la capacité de la station à générer des revenus.

L'offre comprend également le partage moitié-moitié de la vente des terrains à développer. IHAG a aussi contesté l'interprétation de cette partie de l'entente devant la Cour supérieure, mais la société suisse n'en a tiré que 20 688$ de plus.

L'avocat de IHAG, Alain Gutkin, n'a pas rappelé La Presse Affaires.