La nomination de Mario Monti comme nouveau premier ministre de l'Italie est bien accueillie par les Italiens malgré le fait que cette procédure confirme aussi la quasi mise en tutelle du pays par l'Union européenne. Pour avoir une vision plus large de la crise italienne et de ses répercussions économiques, La Presse Affaires s'est rendue à Bologne, ville située à 400 kilomètres au nord de la capitale et dont les assises économiques sont nettement plus diversifiées que celles de la Ville éternelle.

Même si Bologne est une cité universitaire - c'est ici qu'a été créée la première université d'Europe en 1088 -, plus de 30% des emplois de la région sont générés par des entreprises industrielles, contre tout juste 20% à Rome.

C'est aussi une région qui a un long passé communiste. Encore aujourd'hui, ses députés au Parlement et la mairie de Bologne proviennent du Parti démocratique, le parti qui a rallié la gauche italienne à la suite de l'éclatement du PCI à la fin des années 80.

«On est le leader européen dans la fabrication d'emballage carton», m'apprend Danio, un étudiant en économie qui compte s'inscrire l'an prochain au MBA, malgré le fait qu'il a déjà lancé son entreprise de boissons aromatisées.

«On a surtout la «Valley Motors» où tous les grands manufacturiers de l'auto, Ferrari, Maserati, Lamborghini et Ducati sont implantés. Il y a du chômage, mais il y a moyen de se trouver un emploi. Même un étudiant peut se trouver un boulot à temps partiel, il s'agit de vouloir», explique-t-il.

Danio est accompagné de deux copines. Tous les trois viennent du sud de l'Italie. Lui vient de Lecce, ville située dans Les Pouilles, le talon de botte italienne, Valerice est originaire de Calabre, localisée dans la pointe de la botte, et Ilenia est née à Salerne, ville côtière logée un peu plus au nord de Calabre.

Tous les trois sont à Bologne parce qu'il n'y aucun avenir pour eux au sud, une région mal desservie industriellement et qui souffre de l'omniprésence de la mafia.

Mais la crise que traverse le pays remet même en question leur présence dans le nord.

«Les statistiques démontrent qu'il y a eu une importante augmentation de prescriptions d'antidépresseurs en Italie depuis le déclenchement de la crise financière et de la récession en 2008-2009. C'est incroyable», observe Valerice, étudiante en gestion hôtelière.

Confiance en Mario Monti

Les trois étudiants affichent cependant une confiance entière à l'endroit du nouveau premier ministre Mario Monti.

«Ce n'est pas une mauvaise idée d'aller chercher un économiste, un spécialiste de la gestion pour mettre de l'ordre dans le fouillis qu'a créé Berlusconi», soulève Danio.

Le fait que Mario Monti soit proche de l'Union européenne et que cette dernière va suivre à la trace l'implantation du programme d'austérité pour réduire la dette italienne ne l'inquiète pas outre mesure.

«Si nous ne sommes pas capables de gérer nous-mêmes correctement nos affaires, pourquoi avoir honte d'aller chercher un encadrement à l'extérieur?», demande-t-il.

Un constat que partage Letizia Caronia, professeure au Département des Sciences de l'éducation de Bologne.

«Quand ça va mal dans une famille, quand les dépenses excèdent sans cesse les revenus, on n'hésite pas à aller chercher de l'aide et des ressources à l'externe. Les Italiens n'ont pas à être plus orgueilleux qu'il ne le faut», tranche-t-elle.

Curieusement, Mme Caronia est elle aussi originaire du sud, de Palerme, chef-lieu de la mafia.

«Il n'y a rien à faire dans le sud. La mafia est présente dans les moindres recoins de la vie quotidienne. C'est un autre des graves problèmes de l'Italie», constate l'universitaire.

«Tout le monde est déprimé»

Même si elle affirme ne pas partager l'idéologie de Mario Monti et du capitalisme sans fin, elle souhaite que sa nomination calme le jeu dans son pays.

«C'est vrai que tout le monde est déprimé. Tout le monde, même ceux qui ont des emplois stables et des revenus prévisibles, sont inquiets de savoir de quoi le lendemain sera fait. Ça génère un niveau de stress incroyable, je le constate dans la rue à tous les jours.

«Même mes étudiants sont devenus depuis deux, trois ans beaucoup plus sérieux. Ils sont tous là, appliqués et studieux, au cours que je donne le samedi matin alors qu'avant ce n'était vraiment pas une priorité que de se présenter à l'Université le samedi matin. Il faut que ça change», souhaite Letizia Caronia.