La Vieille Europe renoue de curieuse façon avec sa glorieuse Antiquité. Après Athènes, c'est au tour de Rome d'être sous les feux de la rampe et de se frotter aux dures réalités modernes du crédit.

Il en aurait coûté hier plus de 6,5% à l'Italie pour emprunter pendant 10 ans, soit plus de trois fois ce que les prêteurs exigent de l'Allemagne. Il y a quelques mois, l'Italie consentait un rendement d'à peine plus de 5% sur ses obligations.

Alors que les marchés boursiers ont accueilli avec un certain soulagement les efforts de la classe politique européenne pour contenir l'énorme problème de dette publique, le marché obligataire, où elle est achetée et vendue, n'a pas cessé de manifester son scepticisme.

Au rythme actuel, qui va s'accélérant, financer la dette italienne coûtera bientôt plus de 7%, en dépit des efforts de la Banque centrale européenne (BCE) qui a abaissé son taux directeur la semaine dernière et qui accumule depuis la mi-août les obligations italiennes achetées sur le marché secondaire.

À 7%, elle est jugée insoutenable par les prêteurs, compte tenu de sa taille de 1900 milliards.

Le coût moyen de son financement est de 4,15%, ce qui représente une ardoise de 54,4 milliards d'euros par année. L'an prochain, la Péninsule doit refinancer 307 milliards. À 4,15%, cela représente un coût annuel de 12,7 milliards d'euros, mais à 7%, il faut ajouter 8,7 milliards, selon les données et les calculs de Bloomberg.

Pour absorber une telle augmentation du service de la dette, il faudrait une croissance réelle soutenue. Or, celle de l'Italie est anémique: à peine 0,75% depuis 12 ans.

Avec une forte inflation qui reflétait sa faible productivité, l'Italie a pu gonfler ses recettes et assumer le service de sa dette pendant plusieurs années.

Cette option a disparu avec le plan d'austérité de 45,5 milliards d'euros, imposé par la BCE et voté en août. Hier, la Société Générale a révisé sa prévision économique pour la zone euro et l'Italie en particulier. Elle prévoit une contraction de 0,7% en 2012 et 0,4% en 2013 de l'économie de la Botte.

Le recours aux cagnottes du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et du Fonds monétaire international (FMI) a été requis quand les dettes de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal ont atteint des coûts de financement de 7%. La dette italienne est plus élevée que celle, combinée, de ces trois pays.

Venir en aide à l'Italie exigerait tout ce qu'il reste du FESF, dont la puissance de feu initiale était de 440 milliards d'euros. La semaine dernière, les dirigeants européens se sont entendus sur le principe de gonfler sa puissance à 1000 milliards. On ne sait encore comment, ce qui ajoute à l'inquiétude des détenteurs de la dette italienne.

Hier, les 17 ministres des Finances de la zone euro étaient à nouveau réunis à Bruxelles pour s'entendre sur les détails concrets du renforcement du FESF. Ils seront rejoints aujourd'hui par leurs collègues des autres pays de l'Union européenne.

De son côté, le premier ministre Silvio Berlusconi fait face aujourd'hui à un vote susceptible d'emporter son gouvernement qui dispose d'une très faible majorité. Il essayera une deuxième fois de faire adopter le budget de... 2010. Il avait survécu à ce premier échec en remportant à l'arraché un vote de confiance (316 voix sur 630).

Le vote d'aujourd'hui devrait être une formalité. La semaine prochaine toutefois, le Cavaliere fera face à une motion de censure qui, si elle devait être adoptée, signifierait la chute de son gouvernement et beaucoup de tensions sur le marché obligataire. L'Italie va tenter de refinancer une partie de sa dette cette semaine.

Recourir au FESF et au FMI équivaut à une mise en tutelle. Pour s'en convaincre, le Cavaliere n'a qu'à se tourner vers le Portugal, où des délégations du FMI, de la BCE et de la Commission européenne évaluaient, hier, comment Lisbonne mettait en place les mesures d'austérité imposées par leur plan de sauvetage.

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307 milliards d'euros

Besoins d'emprunt de l'Italie pour renouveler sa dette en 2012. D'ici au 31 décembre, Rome aura besoin de 37 milliards d'euros.

6,68%

Taux exigé hier par les prêteurs pour une obligation de 10 ans (contre 1,8% pour l'Allemagne). Quand les taux ont atteint 7% en Grèce, en Irlande et au Portugal, ils ont été jugés insoutenables. Le FMI a dû intervenir.