«Panique» face au risque de chaos dans la rue, volonté de river le clou à une opposition intraitable ou désir inconscient de jeter l'éponge? La question de savoir pourquoi Georges Papandréou a plongé son pays et l'Europe dans une crise inédite continuait d'agiter la Grèce jeudi.

Alors que son gouvernement joue sa survie, les analystes s'épuisent en conjectures sur les motivations qui ont poussé le premier ministre grec à un faux pas politique majeur, sur lequel il se dit toutefois prêt à revenir.

Jeudi après-midi, il a en effet annoncé être prêt à renoncer à ce référendum, qui menace la Grèce de se voir couper les fonds et d'être poussée hors de l'euro par des partenaires sidérés et à bout de patience.

Ce dirigeant jusque-là réputé pour son flegme et son talent de négociateur avait semé la panique en annonçant lundi vouloir convoquer les électeurs sur l'accord anticrise de la zone euro, laborieusement conclu à Bruxelles entre les 17 pays de la zone euro et des centaines de banquiers dans la nuit du 26 au 27 octobre.

«On peut difficilement trouver une explication rationnelle» à ce geste, estime Thanassis Diamantopoulos, professeur de sciences politiques à l'université d'Athènes, pour qui il faut «recourir à la psychanalyse» pour comprendre.

«En constatant que son gouvernement s'effondrait, il a peut être voulu, d'une façon totalement irresponsable tenter le tout pour le tout: soit entraîner dans sa chute tout le système politique, voire la zone euro, soit apparaître comme le grand maître du jeu, au même niveau que son grand-père et son père», deux charismatiques ex-premiers ministres, hasarde-t-il.

M. Diamantopoulos évoque aussi «la fatigue et un problème de résistance physique et psychique» face aux pressions contradictoires subies par M. Papandréou depuis son arrivée au pouvoir en 2009, alors que s'enclenchait la crise de la dette dans laquelle son pays se débat.

Le politologue Georges Sefertzis, réputé proche de la famille Papandréou, invoque deux ressorts à ce coup de poker, l'un psychologique, la «panique», l'autre hautement politique, la «recherche de légitimité» nécessaire pour relancer un pays rétif à la rigoureuse cure de rigueur prescrite par l'UE et le FMI en échange de promesses de sauvetage.

«Le fait d'avoir été qualifié de 'traître' à sa patrie dans les manifestations vendredi dernier qui ont provoqué l'annulation de défilés pour la fête nationale --du jamais vu en Grèce, NDLR-- a fortement joué» estime M. Sefertzis.

De mère américaine, et grandi en exil jusqu'à la fin en 1974 de la dictature des Colonels, M. Papandréou, conspué depuis des mois comme «valet de Bruxelles» ou «employé modèle du FMI», «a dit un jour être 'Grec par choix et non par nécessité'» rappelle l'analyste.

Pour M. Séfertzis, M. Papandréou n'avait en fait «pas de choix», contraint de «faire face au danger d'une situation devenue incontrôlable» à l'intérieur du pays: «vendredi dernier, l'extrême gauche et l'extrême droite étaient ensemble dans les rues pour huer le gouvernement, cela pouvait conduire au chaos, dans un pays où l'administration ne fonctionne plus et où le peuple manifeste tous les deux jours».

Les députés grecs «ne peuvent plus sortir sans se faire insulter» alors même que pour remplir ses engagements de rigueur, la majorité socialiste est censée avaliser de nouveaux sacrifices, renchérit Michalis Spourdalakis, professeur de sciences politiques à la faculté de droit d'Athènes. «L'agitation et la colère sont partout» dit-il, «Papandréou est empêtré là-dedans».

L'«impasse politique» était encore aggravée par l'intransigeance de l'opposition de droite, accusée d'irresponsabilité jusque dans sa famille politique européenne pour la fin de non-recevoir qu'elle n'a cessé d'opposer aux appels de M. Papandréou à l'unité nationale.

Pour la première fois, Antonis Samaras, le rival conservateur de M. Papandréou a toutefois indiqué jeudi qu'il consentirait à un «gouvernement de transition» pour garantir que la Grèce avalise le plan européen de sauvetage.

Partisan déclaré depuis des années de la démocratie participative, M. Papandréou a néanmoins reçu le soutien de représentants de gauche et altermondialistes en Europe, et plus paradoxal, de médias et représentants conservateurs allemands, qui ont appelé l'UE à insuffler un peu plus de démocratie dans sa prise de décision.