La Belgique, la France et le Luxembourg se sont portés lundi au secours de Dexia, première banque victime de la crise de la dette en Europe, qui va être dépecée pour pouvoir subsister en attendant un plan de recapitalisation de l'ensemble du secteur, promis par Berlin et Paris.

C'est au terme d'un conseil d'administration de plus de douze heures au siège bruxellois de Dexia qu'a été signé lundi l'acte de décès du groupe franco-belge, du moins sous sa forme actuelle.

Face à cette décision sans retour, les deux hommes forts de Dexia, l'administrateur délégué Pierre Mariani et le président du conseil Jean-Luc Dehaene, ont fait part de leur amertume lors d'une conférence de presse.

«Il nous fallait deux ans de plus pour pouvoir amener (la banque) à une situation normale», a estimé M. Dehaene, mettant en cause l'héritage de la gestion précédente, débarquée lors de la quasi-faillite de Dexia en 2008.

En Bourse, l'action Dexia, dont la cotation a repris dans l'après-midi, s'est d'abord effondrée (-36 %) avant d'effacer la majeure partie de ses pertes. Elle a terminé en baisse de 4,73 % à 0,81 euro, sur les marchés parisien et belge, où elle est cotée simultanément.

Le groupe n'a pas survécu à la crise de la dette souveraine, qui a tari le flux des liquidités dont il avait besoin pour poursuivre ses activités.

Son conseil d'administration s'est donc résigné à accepter une offre de l'État belge de prendre le contrôle à 100 % de Dexia Banque Belgique, la filiale belge du groupe Dexia, pour 4 milliards d'euros. Une opération qui représente une moins-value de 3,8 milliards pour la maison-mère, Dexia SA

Le ministre belge des Finances, Didier Reynders, a jugé le coût de la transaction «raisonnable» et a indiqué que la Belgique entendait rester plusieurs années propriétaire de cette banque de détail, afin d'en «assurer la continuité».

«Les ménages (belges) peuvent être sûrs et certains que leur argent est en sécurité sur leurs comptes courants», a assuré le premier ministre belge Yves Leterme.

La banque a fait face ces derniers jours à des retraits de fonds importants de ses clients, a reconnu lundi M. Mariani, même si, ces retraits sont «sans commune mesure avec ce qui avait été observé en 2008», a-t-il tempéré.

Côté français, M. Mariani a reçu mandat du Conseil d'administration pour entrer en négociations exclusives avec la Caisse des dépôts (CDC) et la Banque Postale en vue de la reprise de ses activités de financement des collectivités.

Les deux organismes ont indiqué lundi dans un communiqué qu'elles étudiaient la possibilité d'un «partenariat» pour financer les collectivités locales, qu'elles voudraient finaliser dans «les meilleurs délais».

Après la vente de la branche luxembourgeoise, la BIL, promise à un groupe d'investisseurs liés à la famille royale du Qatar, et celle prévue de la filiale turque Denizbank, joyau de la couronne, il ne restera plus grand chose du groupe Dexia dans sa forme actuelle.

Les gouvernements français, belge et luxembourgeois «seront particulièrement attentifs à ce que les droits et les intérêts des employés du groupe et de ses filiales soient préservés», a indiqué Matignon lundi.

Le groupe Dexia comptait environ 35 200 employés fin juin, pour l'essentiel répartis entre la Belgique, la France et la Turquie.

Dexia a assuré que les quelque 600 employés de la holding Dexia SA se verraient offrir un reclassement dans l'une des filiales du groupe.

Les États se sont par ailleurs mis d'accord sur la répartition des quelque 90 milliards d'euros de garanties à apporter à la future structure de défaisance qui subsistera à l'issue du démantèlement: 60,5 % pour la Belgique, 36,5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg.

La France avait à coeur que la Belgique prenne en charge la plus grande part de ces garanties afin de préserver sa note triple A attribué par les agences de notation, un gage de confiance sur les marchés financiers.

Dès lundi, les agences de notation se sont voulues rassurantes: Moody's a estimé que l'impact sur la note de la France serait «limité» tandis que Fitch a jugé que le schéma adopté ne représentait pas «en soi, un risque significatif».

Mais les craintes que Dexia soit la première d'une longue série de victimes de la crise de la dette ont conduit à accélérer les préparatifs d'un plan coordonné de recapitalisation des banques en Europe.

Paris et Berlin sont «décidés à faire ce qui est nécessaire pour recapitaliser (les) banques afin d'assurer l'octroi de crédits à l'économie», a ainsi promis dimanche la chancelière allemande Angela Merkel à l'issue d'une rencontre sur le sujet avec le président français Nicolas Sarkozy.

«L'accord est complet» entre les deux pays à ce sujet, a martelé pour sa part M. Sarkozy, insistant sur leurs «positions parfaitement communes».

La presse a toutefois fait état de divergences entre Paris, dont les banques sont très exposées à la débâcle grecque, et Berlin, un peu moins exposé.