Les grandes manoeuvres pour le démantèlement de la banque franco-belge Dexia s'intensifiaient jeudi, avec une possible nationalisation en Belgique et une garantie publique sur des actifs en France, tandis qu'un acheteur s'est déjà signalé pour la branche luxembourgeoise.

Trois jours à peine après le coup d'envoi de son dépeçage organisé, l'établissement ne se présente déjà plus que comme un inventaire d'actifs à céder.

En Belgique, le gouvernement privilégierait la nationalisation de Dexia Banque Belgique (DBB), l'activité de détail, selon la presse belge.

Un conseil des ministres restreint, jeudi matin, «a arrêté une position et a mandaté (le ministre des Finances) Didier Reynders pour négocier», a indiqué une source proche du gouvernement, sans vouloir préciser l'option privilégiée.

Mercredi, M. Reynders avait évoqué publiquement l'hypothèse d'une nationalisation pour assurer la pérennité de Dexia Banque Belgique.

Ces informations ont amené le gendarme belge des marchés, la FSMA, à stopper jusqu'à lundi la cotation du titre Dexia, qui perdait 17,24 % à 85 centimes au moment de cette suspension.

La FSMA a également justifié sa décision par l'annonce de négociations exclusives pour la cession de la branche luxembourgeoise, Dexia Banque Internationale à Luxembourg (BIL).

Selon les journaux belges L'Écho et De Tijd, l'acheteur serait le fonds souverain du Qatar et la transaction aurait été fixée à 900 millions d'euros, ce que Dexia et les autorités luxembourgeoises ont refusé de commenter.

En France, les travaux avancent également sur deux grands dossiers: l'activité de financement des collectivités locales et le portefeuille de crédits déjà émis par Dexia à leur destination.

Selon des sources concordantes, le projet s'oriente en l'état vers la création d'une nouvelle banque dédiée aux collectivités, détenue à 65 % par la Banque Postale et 35 % par la Caisse des dépôts (CDC).

«L'objectif est d'être en position de bâtir une (structure) alternative pour les crédits aux collectivités locales dans laquelle elles pourront avoir confiance», a précisé une source proche du dossier.

Selon cette source, le conseil d'administration de La Poste a autorisé le principe de l'extension de l'activité de la Banque Postale aux prêts aux collectivités locales et autorisé la poursuite des discussions.

«On est bien conscient de l'urgence qu'il y a sur ce dossier», explique une source proche du dossier, car le marché du financement des collectivités est actuellement sinistré, du fait du retrait partiel de Dexia, mais aussi des autres banques.

Mais si le consensus existe sur l'intérêt de maintenir le financement des collectivités, le dialogue est beaucoup plus difficile concernant le portefeuille de crédits dont Dexia veut aussi se dessaisir.

Le schéma actuel implique une entrée de la CDC dans le capital de Dexia Municipal Agency (Dexma), où se trouve ce portefeuille d'environ 80 milliards d'euros, à hauteur de 65 %. La Banque Postale prendrait elle 5 %, Dexia conservant 30 % (contre 100 % aujourd'hui).

La CDC affiche des réticences à l'idée de récupérer ce portefeuille dont une petite partie se présente sous la forme de prêts dits toxiques, au coeur de la tourmente depuis plusieurs mois.

Pour faciliter l'opération, la Caisse aimerait que l'État apporte sa garantie sur tout ou partie du portefeuille. Cette sûreté éviterait à l'institution d'encaisser des pertes en cas d'effacement de crédits toxiques ou de révision à la baisse de la valeur des actifs du portefeuille.

De leur côté, les États, qui ont indiqué publiquement que leurs garanties ne porteraient que sur les financements de Dexia et par sur les actifs de la banque, rechignent à élargir leurs engagements au risque de fragiliser leurs finances publiques.

D'autant que se pose également la question de la répartition entre États belge et français: la Belgique goûte peu la perspective d'assumer des pertes sur des actifs et une activité française à 100 %.

«Les discussions sont extrêmement complexes techniquement, et compliquées par le jeu de pouvoir économique et politique entre les parties en présence: l'État belge et l'État français, la Caisse des dépôts, La Poste, les parlementaires et l'ensemble des élus concernés par les problématiques des collectivités locales», a précisé une source proche du dossier.