La Commission européenne a reconnu mardi que de nouvelles banques allaient vraisemblablement devoir être recapitalisées en raison de la crise de la dette, un aveu qui contraste avec la position de déni maintenue jusqu'ici par Bruxelles, notamment face aux appels du FMI.

«Malheureusement, avec l'aggravation de la crise des dettes souveraines, de nouvelles banques auront peut-être besoin d'être recapitalisées» en plus des neuf qui n'ont pas réussi les tests de résistance effectués en juillet, a déclaré au cours d'une conférence de presse le commissaire à la Concurrence, Joaquin Almunia.

Dans ces circonstances, «je vais proposer cette année de prolonger les règles» mises en place en 2008-2009, après la faillite de Lehman Brothers, «afin de permettre aux gouvernements de continuer à aider publiquement leurs banques au-delà de 2011», a-t-il annoncé.

Ces déclarations ont coïncidé avec la publication des prévisions semestrielles du Fonds monétaire international, qui a souligné que «le niveau relativement bas de capitalisation des banques de la zone euro est une source d'inquiétude».

«Des difficultés dans un pays peuvent rapidement s'étendre à l'Europe. De là, cela pourrait se déplacer aux États-Unis -- via des détenteurs d'actifs européens -- et au reste du monde», souligne le FMI.

Sa directrice, Christine Lagarde, s'était attirée une volée de bois vert en Europe, aussi bien de la part de grandes banques que de gouvernements, lorsqu'elle avait déclaré, fin août, que face aux risques entraînés par la crise de la dette publique et la faiblesse de la croissance, les banques européennes avaient un besoin «urgent» de recapitalisation.

Petit à petit, plusieurs voix se sont toutefois élevées pour rejoindre cette position. En marge de la réunion des ministres des Finances européens vendredi et samedi à Wroclaw (Pologne), le ministre suédois des Finances Anders Borg ou sa collègue espagnole Elena Salgado ont ainsi plaidé pour une recapitalisation.

Mais les services du commissaire européen chargé des Affaires économiques, Olli Rehn, rappelaient encore récemment que «les banques européennes sont mieux capitalisées qu'elles ne l'étaient il y a un an».

«Il semble qu'il y a eu un tournant à 180 degrés dans toute une série de pays en réponse à notre diagnostic», a commenté sur France 24 l'économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard.

Après les propos de Mme Lagarde, «la réaction initiale, c'est «monsieur, nos banques sont en parfait état», et (...) la position maintenant de la plupart des pays européens c'est «oui, on a un problème», il faut en effet remettre du capital dans les banques»», a-t-il estimé.

Manifestement, avec les craintes de contagion de la crise de la dette, alimentées par la possibilité d'un défaut de paiement de la Grèce et la dégradation mardi de la note du crédit de l'Italie, l'analyse semble avoir changé à Bruxelles.

«Nous ne voulons pas assister à une crise systémique», a expliqué M. Almunia. «Sans une solution rapide, en fin de compte la facture ne fera que s'alourdir et les banques ne pourront plus remplir leur rôle crucial de financement de la croissance».

Le commissaire européen a reconnu qu'il aurait «préféré qu'on revienne plus tôt aux règles normales» de concurrence dans le secteur bancaire. «C'était mon intention jusqu'à cet été. Mais la situation à laquelle nous sommes confrontés plaide pour une prolongation du régime existant» permettant aux États européens d'aider leurs banques, a-t-il expliqué.

Mme Lagarde avait jugé que la meilleure solution serait «une recapitalisation substantielle et obligatoire avec des fonds privés et publics «si nécessaire».

En tout état de cause, faire appel au financement public ne doit intervenir qu'«en dernier recours», a mis en garde M. Almunia, encourageant les banques à se «financer sur les marchés et à prendre toutes les mesures possibles, comme la vente de filiales et la limitation des dividendes, avant de se tourner vers le soutien public».

Le gouverneur de la Banque centrale finlandaise, Erkki Liikanen, qui a lui-même plaidé lundi pour une recapitalisation des banques, a jugé également que c'était «avant tout la tâche des actionnaires».

Pour M. Blanchard toutefois, «si pour une raison ou pour une autre, elles ne lèvent pas les fonds sur les marchés financiers, à ce moment-là», il faudra envisager «une aide publique, une intervention publique», sous forme de «prise de participations des États».