Le géant bancaire suisse UBS (UBS) a révélé jeudi avoir été victime de transactions illégales, qui pourraient lui faire perdre 2 milliards de dollars US, et le courtier soupçonné d'être l'auteur de la fraude a été arrêté par la police à Londres.

«Nous pouvons confirmer l'arrestation d'un homme de 31 ans à 3h30, sur la base de soupçons concernant une fraude par abus de position», a indiqué un porte-parole de la police.

Le suspect a été immédiatement placé en détention, a-t-il ajouté sans autre précision.

La nouvelle de cette arrestation intervient après la publication d'un communiqué laconique de quatre lignes d'UBS jeudi matin, qui annonçait avoir été victime de transactions frauduleuses effectuées par un de ses courtiers, qui pourraient lui faire perdre 2 milliards de dollars.

La nouvelle a fait l'effet d'une bombe dans le monde financier suisse, avec un écroulement à la Bourse de l'action UBS de plus de 9% à l'ouverture. À 10h07 GMT (6h07 à Montréal), le titre reculait de 7,59% à 10,10 francs suisses, dans un marché en hausse de 0,47%.

«UBS a découvert une perte due à des opérations non autorisées effectuées par un courtier de la division Banque d'investissement» à Londres, a indiqué la banque, ajoutant qu'«une enquête est toujours en cours, mais UBS estime dès à présent que la perte pourrait s'élever à 2 milliards de dollars».

Il est possible, ajoute encore la banque, que les comptes du troisième trimestre soient plombés par cette affaire et qu'ils soient dans le rouge.

Enfin, dernière précision de la banque, les clients ne devraient pas souffrir de cette affaire.

La banque, qui avait subi sa dernière perte au 3e trimestre 2009, pourrait enregistrer un résultat négatif de 500 millions de francs suisses au 3e trimestre 2011, un indiqué à l'AFP un analyste.

«C'est vraiment mauvais pour sa réputation et pour celle de la direction», a-t-il ajouté, soulignant que cette annonce n'était pas positive pour les entrées nettes d'argent nouveau.

«C'est une mauvaise nouvelle pour l'UBS, mais aussi pour le monde bancaire suisse dans son ensemble», a commenté Claude Zehnder, chef analyste à la Banque cantonale de Zurich (ZKB).

«Tout le monde se demande, comment une telle chose a pu arriver; quel est le système de contrôle de la banque?», a-t-il ajouté.

Selon lui, la banque avait retrouvé un peu de sa crédibilité perdue, après de nombreux déboires, et l'affaire arrive à un mauvais moment.

Le groupe avait en effet essuyé de très grosses pertes dans la crise américaine du «subprime» et Berne avait dû voler à son secours, au grand dam des contribuables suisses.

À la suite de cette affaire, la banque avait perdu de nombreux clients, soucieux de placer leur argent dans un autre établissement.

À peine remise de cette affaire, UBS a ensuite dû fait face à un grave problème d'évasion fiscale aux États-Unis, où la banque a été accusée d'avoir aidé des contribuables américains à placer leur argent à l'étranger, en toute illégalité.

La banque a été obligée de donner les noms de plusieurs milliers de clients américains et de payer une amende de 780 millions de dollars.

L'affaire révélée jeudi ressemble étrangement à ce qu'a vécu la banque française Société Générale en janvier 2008, lorsqu'elle avait annoncé avoir découvert des transactions hors-normes effectuées par un seul courtier, Jérôme Kerviel.

La Société Générale avait alors liquidé les positions gigantesques prises par M. Kerviel --qui se montaient à plus de 50 milliards d'euros -- pour éviter d'être mise en faillite.

Cette affaire avait coûté à la banque française près de 5 milliards d'euros, et le PDG Daniel Bouton avait dû démissionner fin avril 2009.

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Des précédents retentissants dans l'histoire de la finance

Rappel des scandales financiers retentissants des dernières années alors que le géant bancaire suisse UBS a révélé jeudi avoir été victime de transactions frauduleuses effectuées par un de ses courtiers, qui pourraient lui faire perdre 2 milliards de dollars:

- BARINGS: En février 1995, la plus ancienne banque d'affaires britannique, la Barings, est déclarée en faillite après les mauvais placements d'un de ses courtiers. Basé à Singapour, Nick Leeson avait parié sur un rebond de l'indice de la Bourse de Tokyo et spéculé sur le prix du pétrole, accumulant 1,3 milliard de dollars de pertes. Il est condamné à six ans et demi de prison.

- DAIWA BANK: En septembre 1995, la banque japonaise Daiwa Bank annonce une perte exceptionnelle d'environ 1,1 milliard de dollars du fait des agissements frauduleux de l'un de ses employés à New York. Toshihide Iguchi est condamné à quatre ans de prison et deux millions de dollars d'amende.

- SUMITOMO: En juin 1996, le groupe japonais Sumitomo Corp., un des géants du négoce international, annonce des pertes colossales sur le marché du cuivre. Les spéculations hasardeuses, pendant une dizaine d'années, de son courtier vedette Yasuo Hamanaka a fait perdre à la prestigieuse maison de commerce 2,6 milliards de dollars. Hamanaka est condamné à huit ans de prison pour escroquerie et falsification de documents.

- ALLFIRST: En février 2002, la première banque irlandaise, l'Allied Irish Bank, révèle qu'un courtier travaillant dans une de ses filiales américaines Allfirst a dissimulé 691 millions de dollars de pertes sur des opérations de change. John Rusnak reconnaît s'être engagé dans une série d'opérations fictives dans le but de couvrir des pertes subies au milieu des années 90. Il est condamné à sept ans de prison et à rembourser les pertes qu'il a occasionnées au groupe bancaire.

- CAISSE D'ÉPARGNE: En octobre 2008, un courtier de la Caisse d'épargne, soupçonné d'être à l'origine d'une perte de 751 millions d'euros subie par la banque française, est mis en examen pour «abus de confiance». Boris Picano-Nacci est soupçonné d'avoir outrepassé son mandat en prenant des positions hors-normes sur les marchés entre le 15 septembre et la mi-octobre.

- SOCIÉTÉ GÉNÉRALE: En janvier 2008, la banque française découvre des transactions hors-normes effectuées par un de ses courtiers, Jérôme Kerviel. Pour éviter d'être mise en faillite, la SG liquide les positions gigantesques prises par le courtier. L'affaire coûtera à la banque près de 5 milliards d'euros.

Reconnu seul responsable, Kerviel est condamné à trois ans de prison ferme et à payer à la banque l'équivalent de la somme perdue.

Outre ces scandales dus aux initiatives sans contrôle de courtiers, le monde de la finance a été secoué fin 2008 par l'une des plus gigantesques escroqueries de tous les temps, l'affaire Bernard Madoff. Le célèbre gestionnaire de fonds de Wall Street a été condamné en juin 2009 à 150 ans de prison, pour avoir monté une fraude pyramidale portant sur quelque 50 milliards de dollars.