Le dossier Fondation Fer de lance créé une petite commotion dans la communauté juridique du Québec. Non seulement les autorités réclament la prison pour l'avocat de l'entreprise, un fait rare, mais cet avocat est marié à l'un des juges coordonnateurs de la Cour du Québec.

L'avocat Jean-Pierre Desmarais fait face à une peine d'emprisonnement de cinq ans moins un jour, réclamé par l'Autorité des marchés financiers. L'organisme exige également de l'avocat qu'il paie d'une amende d'un million de dollars pour avoir pratiqué le métier de courtier sans permis et pour avoir recueilli des fonds sans prospectus. Les poursuites de l'AMF ont été intentées le 26 juillet à la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec, district de Montréal.

Jean-Pierre Desmarais est marié à Michèle Toupin, nommée juge en 1993. En novembre dernier, Mme Toupin a été promue juge coordonnatrice de la Cour du Québec pour la région Laval/Laurentides/Lanaudière. Durant sa carrière, elle a notamment été juge dans le district de Terrebonne, mais également dans celui de Montréal.

En tant que juge coordonnatrice, elle fait la gestion des litiges, des procès et des assignations de juge. Lorsqu'elle siège au tribunal, son champ de pratique est essentiellement le droit criminel. Michèle Toupin est entré au tableau de l'ordre du Barreau en 1978 et n'a eu aucun antécédent disciplinaire avant d'être nommée juge.

De son côté, Jean-Pierre Desmarais pratique le droit depuis 1979. Son dossier disciplinaire au Barreau est sans tache. L'avocat a quitté le cabinet Marchand Melançon Forget en décembre 2009 au moment de la fusion avec une autre firme. Depuis, il a un litige avec son ancien cabinet, à qui il réclame 193 000$, soit le capital qui lui serait dû à titre d'ancien associé.

Dans ce litige, le juge a accepté que la défense de Marchand Melançon Forget ainsi que des pièces déposées au dossier soit mise sous scellé étant donné que certaines informations pourraient révéler des informations couvertes par le secret professionnel de l'avocat.

Sur les 12 pièces mises en preuve contre Me Desmarais, au moins quatre concernent Fer de lance. Une autre concerne l'entreprise minière Amour International Mines d'or et Orex Gold Mines. Jean-Pierre Desmarais était l'âme dirigeante d'Amour, principalement détenue par Orex. Ces deux entreprises ont eu maille à partir avec le fisc pour une affaire de dividendes de plus d'un million de dollars versé à des actionnaires des Bahamas et des Pays-Bas, indique un jugement rendu en 2010.

Me Desmarais travaille aujourd'hui chez Boscher Derhy Desmarais Godwin. Lorsque nous l'avions joint au téléphone, au moment des accusations de l'AMF, il avait affirmé que la poursuite de l'AMF était «totalement inappropriée et non fondée». Il dit avoir toujours agi à titre d'avocat de la cliente FFDL et non comme courtier.

Il n'a pas été possible d'avoir de commentaires de Michèle Toupin, ni de la juge en chef de la Cour du Québec, Elizabeth Corte.