La Banque centrale européenne devait une nouvelle fois lundi jouer les pompiers de la crise de la dette en zone euro qui ne cesse de s'aggraver, les décisions des politiques restant jusqu'à présent sans effet.

Dimanche soir, après une réunion téléphonique de crise de son conseil de gouverneurs, l'institution monétaire, qui avait réactivé quelques jours plus tôt son programme de rachat d'obligations sur le marché secondaire, a annoncé qu'elle allait y intervenir de manière «active».

Ce qui, si elle ne l'a pas explicitement dit, a été immédiatement interprété comme l'annonce, très attendue, qu'elle allait racheter de la dette de l'Italie et l'Espagne, malmenées par les marchés. Les taux à 10 ans espagnols et italiens se sont d'ailleurs fortement détendus lundi, repassant sous les 6%.

L'ampleur de l'intervention de la BCE ne sera toutefois connue que lundi prochain, la banque ne communiquant qu'une fois par semaine à ce sujet.

Mais c'est d'ores et déjà «indéniablement positif pour les marchés», estime Gilles Moëc, économiste chez Deutsche Bank tandis que ses confrères de RBS notent que la BCE, «une nouvelle fois intervient comme la dernière ligne de défense».

Jusqu'ici la BCE a racheté pour 77 milliards d'euros d'obligations publiques -dont trois sont arrivés à maturité- dans le cadre de ce programme qu'elle avait accepté, avec beaucoup de réticence, de lancer au printemps 2010 pour venir en aide à la Grèce.

Il s'agit sans doute presque uniquement de dette grecque, irlandaise et portugaise, trois pays de la zone sous perfusion de leurs partenaires européens et du Fonds monétaire international.

La menace de contagion à l'Italie et l'Espagne, troisième et quatrième économie de la zone, va la contraindre à dégainer davantage.

«Nous attendons un rachat quotidien de 2,5 milliards d'euros», écrit RBS.

Sans ce flot quotidien de rachat, «visible chaque lundi (...) l'enthousiasme des investisseurs pourrait vite s'évanouir», craignent sinon Marco Valli et Luca Cazzulani, de la banque italienne UniCredit.

Mais la BCE et l'Eurosystème (soit l'ensemble des banques centrales de la région) seront-elle prêtes à mettre autant d'argent sur la table alors qu'elle a déjà été accusée d'avoir pris des risques inconsidérés sur leur bilan en rachetant des obligations grecques ?

Dimanche, la BCE a signifié une nouvelle fois qu'elle voulait voir le Fonds européen de stabilité financière (FESF) la relayer rapidement, comme il en a été décidé lors d'une sommet extraordinaire à Bruxelles le 21 juillet.

Dans l'après-midi, le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel s'était engagés à le faire, vainquant les dernières réticences d'une BCE divisée et mécontente de la lenteur des politiques à mettre en oeuvre les mesures d'ajustement nécessaires.

Mais le répit sur les marchés obligataires ne pourrait être que de courte durée, craignent les économistes, en particulier parce que le FESF, doté d'une capacité de prêt de 440 milliards d'euros, n'a, selon eux, pas la taille requise pour intervenir à large échelle.

Or l'Allemagne vient d'annoncer qu'elle excluait une augmentation de sa taille, accélérant la rechute des places boursières.

Très pessimiste, les économistes de Commerzbank estiment que «la détente sur les taux pourrait ne durer que «deux jours» et rappellent que malgré l'intervention de la BCE en faveur de la Grèce, de l'Irlande et du Portugal, leurs taux d'emprunt ont grimpé «à deux chiffres».

«La décision de la BCE n'est pas une arme fatale, en particulier dans un environnement macro-économique mondialisé et avec un impact de la dégradation de la note des Etats-Unis difficile à évaluer», renchérit Gilles Moëc.

Toutefois, selon lui, la crise actuelle a conduit les dirigeants européens à «créer toujours davantage de solidarité financière entre ses membres, et à briser tabou après tabou pour en arriver là».