Les Bourses européennes et asiatiques, gagnées par la panique après la dégradation de la note de crédit des États-Unis, ont dévissé lundi en dépit de la mobilisation générale des dirigeants politiques et des banquiers centraux de la planète pour tenter d'éteindre l'incendie.

Après les premiers échanges marqués par une forte volatilité, la panique a rattrapé les investisseurs sur les deux rives de l'Atlantique.

Francfort a fini la séance sur un plongeon de 5,02%, Paris sur une chute de 4,68% tandis que Londres lâchait 3,39%.

Les Bourses de Madrid et de Milan ont terminé sur des baisses respectives de 2,44% et 2,43%, relativement épargnées grâce à la décision de la Banque centrale européenne (BCE) d'acheter des obligations espagnoles et italiennes, dans le collimateur des marchés financiers ces derniers temps.

«Les investisseurs ont de plus en plus l'impression que l'on va au-delà de la crise financière, vers un risque systémique, et cela auto-entretient le vent de panique qui souffle sur les marchés», a résumé Renaud Murail, gérant chez Barclays Bourse, parlant d'un «scénario de découragement».

À Wall Street, vers 12H40, le Dow Jones perdait 2,96% et le Nasdaq 3,97%.

On restait toutefois loin d'un krach comparable à celui qui avait suivi la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en septembre 2008.

À Moscou, l'indice RST s'est effondré de près de 8% en clôture. Athènes a terminé la séance sur un plongeon de 6%.

En Asie, la Bourse de Tokyo a perdu 2,9%, Shanghai 3,79%, Sydney 2,9%, Séoul 3,82%, Hong Kong 2,11%. La Bourse de Bombay, elle, est retombée à son plus bas depuis 2010 (-3%).

L'euro a cédé du terrain lundi face au dollar à 1,4192 dollar (vers 16H40 GMT) contre 1,4281 dollar vendredi à 21H00 GMT.

«La dégradation de la note américaine réveille les pires scénarios sur l'économie mondiale», avance Eric Edelfelt, gestionnaire d'actions chez Meeschaert Gestion Privée à Paris. «On peut tout imaginer: une dégradation des notes de pays de la zone euro».

Signe d'une grande nervosité, les actifs qui font office de valeur-refuge restaient pris d'assaut, comme l'or, dont l'once a dépassé 1700 dollars américains pour la première fois lundi.

L'agence d'évaluation financière Standard & Poor's a brisé vendredi un tabou, en retirant aux Etats-Unis, première puissance économique mondiale, la prestigieuse note «AAA», attribuée aux emprunteurs les plus fiables.

Cette décision a créé une onde de choc au sein de la communauté financière même si les deux autres grandes agences, Moody's et Fitch, n'ont pas franchi le pas, la première jugeant «prématuré» un éventuel abaissement tandis que la seconde estime qu'il faut encore y réfléchir.

Pressés d'apporter une réponse concertée à la crise de la dette en zone euro, qui menace d'emporter de grands pays comme l'Italie et l'Espagne, et aux nouveaux signes d'essoufflement de l'économie américaine, les dirigeants des pays les plus riches de la planète n'ont pas ménagé leurs efforts.

Le président américain Barack Obama devait s'exprimer sur la crise à 17H00 GMT. Se voulant rassurant, son secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, a pris les devants, affirmant que les gouvernements et banques centrales avaient «largement de la marge» pour répondre à la crise.

Lundi, peu avant l'ouverture des places européennes, ce sont les pays du G20 qui se sont dits prêts à agir de concert pour stabiliser les marchés financiers et protéger la croissance, dans un communiqué.

Et d'assurer qu'«aucun changement dans les fondamentaux ne justifie les tensions financières subies récemment par l'Italie et l'Espagne».

Un peu plus tôt, les dirigeants et les banquiers centraux des sept pays les plus riches de la planète (G7) ont resserré les rangs en annonçant qu'ils allaient coopérer pour contrer des mouvements de change excessifs.

La Banque centrale européenne (BCE) a tenté de jouer les pompiers en annonçant dès dimanche qu'elle allait racheter de la dette publique sur le marché secondaire ou de gré à gré.

Selon le ministre français de l'Economie, François Baroin, la BCE est prête à racheter de la dette espagnole et italienne, «si d'aventure il doit y avoir des investisseurs qui se retirent».

Conséquence: les taux auxquels Rome et Madrid empruntent sur les marchés de la dette, qui s'étaient envolés ces derniers jours au risque d'étouffer les deux pays déjà étranglés par une dette colossale, sont redescendus. Les taux espagnols et italiens à dix ans sont repassés sous les 6%.

Economistes et analystes estiment que l'Italie est un trop grand pays pour être renfloué par le Fonds européen de stabilité financière (FESF), comme c'est le cas de la Grèce. En cas de défaut de paiement, Rome et Madrid pourraient faire imploser la zone euro, affirment-ils. D'où les appels du président de la Commission européenne José Manuel Barroso et du commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn à «réévaluer» le montant de ce fonds.

Mais l'Allemagne et la France, les deux piliers de l'Union monétaire européenne, divergent sur ce point.

Alors que Paris, par la voix de son ministre de l'Economie, a estimé que «s'il fallait aller plus loin, nous irions plus loin», Berlin a tout simplement opposé lundi une fin de non recevoir arguant que le FESF devait rester tel quel.

Créé en 2010 pour venir en aide à l'Irlande puis au Portugal, le FESF est doté de 750 milliards d'euros, avec une capacité effective de prêts de 440 milliards d'euros, jugée insuffisante pour sauver un pays comme l'Italie.

«La décision de la BCE n'est pas une arme fatale (...) avec un impact de la dégradation de la note des Etats-Unis difficile à évaluer», a prévenu Gilles Moëc, économiste chez Deutsche Bank.