La Maison-Blanche a appelé samedi à dépasser les clivages idéologiques pour faire face à la situation économique du pays, au lendemain de la dégradation, pour la première fois de l'histoire des États-Unis, de la qualité de leur crédit.

L'abaissement vendredi soir d'un cran de la note attribuée à la dette publique des États-Unis par l'agence Standard and Poor's plonge les Américains dans l'incertitude quant aux conséquences à attendre pour leurs économies et leurs emplois.

Dans un communiqué, le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, a appelé à «faire mieux pour montrer notre volonté, notre capacité et notre engagement à travailler ensemble pour faire face aux défis économiques et budgétaires».

L'assainissement budgétaire et la relance économique doivent dépasser les «différences idéologiques et politiques», selon M. Carney.

Après des semaines de divisions, républicains et démocrates ont conclu dans la douleur mardi un accord permettant le relèvement du plafond de la dette américaine et instaurant des coupes budgétaires.

«Le chemin pour y arriver a pris trop de temps et (la négociation, ndlr) a été par moments trop partisane», estime M. Carney.

L'agence d'évaluation financière doute de la capacité du pays à prendre des mesures budgétaires pour endiguer une dette publique de plus de 14 500 milliards de dollars.

Mais pour justifier la dégradation de la note américaine, S&P avance avant tout l'incapacité des démocrates et républicains à s'entendre.

«Les risques politiques pèsent d'un poids plus lourd que la partie budgétaire de l'équation», a déclaré dimanche le directeur des notations des États de S&P, David Beers, lors d'une conférence téléphonique.

Signe de la polarisation de la vie politique à un an de la présidentielle, plusieurs prétendants républicains n'ont pas manqué d'attaquer le président.

Mitt Romney, candidat (et favori) à la primaire républicaine, a qualifié l'abaissement de la note américaine de «dernière victime de l'échec du président Obama en matière d'économie», tandis que Michele Bachmann, égérie du mouvement conservateur «tea party», n'a pas hésité à lancer que «ce président a détruit la notation du crédit des États-Unis».

Pour l'un des responsables démocrates à la Chambre des représentants, Steny Hoyer, c'est au contraire «le signal que nous devons mettre la politique de côté pour remettre en ordre la situation budgétaire de la nation».

Pour l'heure, l'impact de la dégradation de la note des États-Unis reste difficile à évaluer et tous les regards se portent sur l'ouverture des marchés asiatiques lundi pour se faire une idée de l'ampleur des dégâts.

Une moins bonne note, et donc un risque d'investissement un peu plus élevé, conduit en général à une augmentation du coût du crédit pour les particuliers et les entreprises. Le choc provoqué par l'annonce de la dégradation vient nourrir les craintes que la première économie du monde ne replonge dans la récession.

L'administation Obama conteste avec véhémence la décision de S&P, dont les deux principales concurrentes, Fitch et Moody's, conservent leur confiance et le triple A, aux États-Unis.

«L'annonce que S&P a finalement appuyé sur la gâchette va sûrement secouer les marchés financiers quand ils ouvriront lundi», estime Paul Dales, analyste chez Capital Economics à Londres.

Véritables références mondiales, les bons du Trésor américain sont faciles à vendre en toutes circonstances. Ils pourraient ne pas trop pâtir d'une note légèrement moins bonne tout simplement parce qu'il n'y pas vraiment d'alternative à la dette américaine pour les investisseurs du monde entier.

«Bienvenue officiellement dans la crise 2.0», lance de son côté l'économiste de la Saxo Bank Steen Jakobsen: après la crise des actifs immobiliers toxiques survenue à partir de fin 2007, les États-Unis sont maintenant de nouveau dans la tourmente.

Plusieurs pays du G7, le club des sept pays les plus industrialisés, se sont toutefois empressés de voler à leur secours.

Le ministre français de l'Économie, François Baroin, a affirmé que Paris conservait «une totale confiance dans la solidité de l'économie américaine et ses fondamentaux».

«Conséquence complètement prévisible de la pagaille créée par le Congrès» qui a bataillé pour relever le plafond de la dette, la dégradation de la note américaine ne change pas le fait que «la situation des États-Unis est assez solide», a de son côté estimé le ministre britannique du Commerce, Vince Cable.

La confiance du Japon dans les bons du Trésor américain et sa stratégie d'achat de ces bons restent inchangées, selon des responsables gouvernementaux à Tokyo.

Seule la Chine, premier acquéreur de bons du Trésor américains (pour 1.160 milliards de dollars), a exhorté Washington à cesser de vivre au-dessus de ses moyens.

Pour le Wall Street Journal, la conséquence de la dégradation pourrait bien être à court terme «plus psychologique que pratique».

Le spectre du déclin relatif de l'empire américain ressurgit dans un pays empêtré dans deux conflits en Irak et en Afghanistan dont il peine à s'extraire, et qui est confronté à la montée en puissance de pays comme la Chine.

Une chose est certaine, selon Francis Lun, analyste chez Lyncean Holdings Limited à Hong-Kong: quels que soient les effets de la dégradation de leur note, «les États-Unis viennent de recevoir une sacrée gifle publique».

«C'est une grande perte pour l'image des États-Unis en tant que pays le plus puissant du monde et pour leur président, c'est une humiliation», déclare-t-il à l'AFP.