Analyse: Démocrates et républicains semblent pour la plupart avoir enfin compris qu'ils doivent éviter à tout prix que les États-Unis se retrouvent en défaut de paiement sur leur dette de 14 300 milliards, dont 90 milliards viennent à échéance jeudi et 440 milliards en tout ce mois-ci.

Les élus devront mettre les bouchées doubles pour prendre la mesure du compromis scellé à huis clos hier, qui risque d'en mécontenter plusieurs malgré l'urgence de l'adopter.

Cette urgence pose le risque d'un dérapage, comme il y en avait eu un le 29 septembre 2008. La Chambre des représentants avait alors défait une première fois le plan de sauvetage des banques de 700 milliards, présenté par le secrétaire au Trésor républicain Henry Paulson et préparé en bonne partie par le président de la Réserve fédérale de New York de l'époque, Tim Geithner, qui a depuis succédé à M. Paulson.

Ce résultat imprévisible avait provoqué un piqué des Bourses plus grand encore que l'effondrement de Lehman Brothers quelques jours auparavant.

Un tel dénouement entraînerait cette fois-ci un mouvement de panique plus grand encore dont on peine à imaginer les funestes conséquences.

Sans être impossible, ce scénario catastrophe paraît peu probable, car il compromet les chances de réélection des membres du Congrès qui devraient porter le chapeau.

Un compromis de dernière heure est loin d'être une panacée, même s'il excite spontanément les marchés. Il a toutes les chances d'être bancal s'il écarte toutes hausses des recettes de l'État.

Il taillera donc dans le vif des dépenses pour diminuer un déficit budgétaire insoutenable, mais ne sera sans doute pas assez crédible aux yeux des agences de notation.

Les États-Unis risquent de perdre la note AAA de l'agence Standard&Poor's et de mériter une perspective négative à la note Aaa qu'attribue Moody's à sa dette. Il s'agit d'un moindre mal que les investisseurs accueilleront sans doute d'abord comme une aubaine.

Ils réaliseront vite que ces coupes entraveront cependant la première économie du monde qui chancelle déjà.

Les révisions statistiques du Bureau of Economic Analysis publiées vendredi ont fait ressortir que la Grande Récession avait mordu plus qu'on le l'avait cru et que l'économie américaine n'est toujours pas en expansion.

Pire, le gros de cette révision tient au fait qu'on avait surestimé jusque-là les dépenses de consommation des ménages qui pèsent 71% dans l'activité économique, un sommet mondial. Bref, accablés par un taux de chômage qui paraît installé à résidence au-dessus des 9%, les ménages développent des réflexes d'écureuil.

Leur méfiance est telle qu'ils sont de plus en plus nombreux à retirer leur argent des fonds communs investis dans le marché monétaire ou la Bourse américaine pour le placer à l'étranger, en Allemagne, en Suisse ou au Canada par exemple.

Le département du Commerce estime de son côté que la croissance est anémique depuis un an et que le secteur public freine l'activité économique à cause des compressions au niveau des États et des municipalités.

La consommation a fait du surplace au printemps. Dans ces conditions, les entreprises se montreront encore plus réticentes à embaucher. Vendredi, il serait d'ailleurs surprenant que les chiffres du département du Travail fassent état d'une forte diminution des demandeurs d'emploi, en juillet.

Faute de compter en partie sur une hausse des revenus pour diminuer le déficit budgétaire, comme ose le faire le Royaume-Uni, Washington crée un cercle vicieux et dangereux.

Moins de dépenses publiques entraînent moins d'activité économique. Moins d'activité, moins de rentrées fiscales. Moins de rentrées, plus de déficit.

Quand la croissance a atteint 0,4% durant l'hiver et 1,3% ce printemps, ce n'est pas un gage de robuste relance.

On peut compter, certes, sur une embellie.

Après tout, les ruptures des chaînes d'approvisionnements faisant suite aux catastrophes japonaises de mars vont s'atténuant. Il faut garder en tête toutefois que le secteur manufacturier pèse à peine 10% dans l'économie américaine.

Vrai aussi, le prix du pétrole (et de l'essence!) est revenu à un niveau qui permet de joindre les bouts un peu plus facilement en cette saison des vacances. C'est oublier que sept millions d'Américains de moins qu'en 2008 seront payés pour les prendre.

Les membres du Congrès vont prochainement prendre les leurs avec la rageuse impression d'avoir accompli leur devoir.

Au bout du compte, ils n'auront rien réglé sur le fond: si les Américains doivent apprendre à vivre selon leurs moyens comme tous les peuples, ils doivent accepter aussi que cela signifie payer des impôts.

Sans quoi, leur déclin ne sera que plus profond.

Et quelle déveine pour le Canada!