En apportant sa garantie à Athènes avec ses partenaires européens, la France prend le risque de perdre un jour de l'argent si les prêts octroyés à la Grèce ne sont pas remboursés, mais le coût aurait pu être bien plus élevé pour le contribuable si aucun accord n'avait été trouvé.

Le nouveau plan d'aide à la Grèce conclu à Bruxelles aura pour «conséquence indirecte» d'augmenter l'endettement de la France d'environ 15 milliards d'euros d'ici 2014, a annoncé vendredi le premier ministre François Fillon. Une somme qui s'ajoute aux 1600 milliards de l'endettement global du pays.

Ce «coût indirect» est lié aux garanties apportées par la France aux prêts consentis par le fonds de secours européen (FESF).

«Ces garanties sont considérées comme une dette potentielle», explique Philippe Martin, professeur à la Sorbonne.

«C'est le même principe que lorsqu'on loue un appartement et que ses parents se portent caution», illustre aussi Christian Saint-Étienne, professeur à Paris-Dauphine. «Ils ne versent pas d'argent, mais doivent en avoir en cas d'impayés».

Parce qu'aucun fond n'est effectivement décaissé, l'engagement de la France n'aura en revanche pas d'incidence sur son déficit public.

Plusieurs scénarios sont désormais envisageables: si la Grèce rembourse effectivement ses dettes, la France ne perdra pas d'argent et le coût du plan sera nul.

Elle ne devrait pas non plus en gagner, les États ayant décidé de réduire les taux d'intérêt consentis par le fonds aux pays en difficulté en échange de l'aide, afin de diminuer la charge de la dette.

Si en revanche la Grèce n'honore pas toutes ses dettes, alors «ce sera des pertes réelles», assure Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique).

De son côté, Christian Saint-Étienne pronostique déjà qu'«un tiers de la somme sera perdu».

La France table, elle, sur «un impact transitoire du plan» sur la dette du pays. Car, assure-t-on de source gouvernementale, les conditions de financement décidées dans le cadre de ce plan vont permettre à la Grèce de ne plus être étouffée sous le poids de sa dette et d'honorer ses engagements.

Le gouvernement avance aussi l'argument que ne rien faire aurait de toute façon coûté bien plus cher.

Ne pas sauver la Grèce «nous aurait coûté plusieurs milliards d'euros par an en hausse de taux d'intérêts sur les prêts qui auraient été accordés à la France, et donc ça nous aurait rendu le bouclage du budget l'année prochaine extrêmement problématique», a déclaré Valérie Pécresse, ministre du Budget et porte-parole du gouvernement.

«Que se passerait-il si on laissait tomber la Grèce?», interroge aussi Philippe Martin. «Ça coûterait certainement beaucoup plus cher au contribuable», ajoute-t-il.

«Aujourd'hui, on décide d'investir dans la Grèce, et comme dans tout investissement, il y a une part de risque», relève M. Martin. «Si ça se passe mal, ça coûte très cher, mais si ça se passe bien, on sauve la Grèce et la zone euro», souligne-t-il.

En attendant, les Européens se sont engagés à ramener leurs déficits publics sous la barre de 3% du produit intérieur brut (PIB) dès 2013, sauf pour ceux actuellement sous tutelle financière. Cet objectif «doit être atteint», a martelé vendredi François Fillon.

Selon le premier ministre, cela «ne suppose pas d'effort supplémentaire», mais de continuer à réduire les niches fiscales et la dépense publique, ou continuer à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux.

«L'engagement qui a été pris est très solennel», relève Elie Cohen, pour qui «des mesures vont être prises pour augmenter les impôts et diminuer les dépenses dès 2012».