Un défaut de paiement de la Grèce, conséquence possible du nouveau plan d'aide attendu jeudi, ébranlerait le système bancaire du pays et peut-être au-delà, mais peut s'avérer gérable si la zone euro tisse un filet de protection suffisant, estiment des économistes.

«Il est possible qu'un défaut soit constaté dans la foulée du sommet de jeudi», au cours duquel l'Union monétaire doit mettre au point à Bruxelles ce second sauvetage financier du pays, estime Cédric Tille, de l'Institut de hautes études internationales de Genève.

Malgré les prêts déjà accordés, Athènes ne peut toujours pas envisager d'emprunter sur les marchés et risque, au cours des prochaines années, d'être incapable de rembourser ses dettes -elle ferait donc défaut sur le paiement d'une ou plusieurs échéances.

Pour plusieurs dirigeants européens, ce serait le scénario du pire. Les banques qui détiennent de la dette grecque perdraient de l'argent, affaiblissant davantage un secteur déjà fragile.

«Les banques ne pourraient plus financer l'économie, qui serait paralysée», soulignait récemment un banquier central.

Selon une étude de deux économistes du Fonds monétaire international, les défauts de paiement «sont associés à de profondes récessions» avec une aggravation du chômage. Ce qui, dans le cas de la Grèce déjà aux prises avec un climat social explosif, serait dévastateur.

C'est pourquoi la zone euro est décidée à l'aider.

Le paradoxe, c'est que ce second plan visant à lui éviter la faillite risque lui-même de placer Athènes en défaut de paiement.

Sous la pression de Berlin, les créanciers privés apporteront leur écot.

Celui-ci peut prendre plusieurs formes: rééchelonnement plus ou moins radical de la dette grecque détenue par les banques, assurances et autres fonds de pension; rachat, grâce aux moyens du Fonds européen de stabilité financière (FESF), d'une partie de cette dette; création d'une taxe bancaire au niveau européen pour soulager les Etats.

Les dirigeants européens devront trancher - voire panacher - entre ces solutions. Or, plusieurs d'entre elles sont considérées par les agences de notation comme un défaut sélectif, ou partiel, de la Grèce, car elles modifient les relations qui lient le pays à ses créanciers.

Un tel défaut «serait plus gérable que si, tout d'un coup, la Grèce cessait de rembourser ses dettes», relève Cédric Tille. Selon lui, il existe «toute une palette de défauts»: «les investisseurs peuvent tout perdre ou très peu, avec de nombreux cas intermédiaires».

Quoi qu'il en soit, les banques grecques seront en difficulté. Car en cas de défaut partiel décrété par les agences de notation, la Banque centrale européenne (BCE) n'accepterait plus les obligations de l'Etat grec comme garantie pour prêter de l'argent. En conséquence, les banques grecques, sous perfusion de la BCE, manqueraient alors cruellement de liquidités.

Certains poussent toutefois l'institut de Francfort à plus de souplesse.

Francesco Giavazzi, professeur à l'Université Bocconi de Milan, propose d'organiser le défaut de la Grèce et des autres Etats fragiles de la zone euro (Portugal, Irlande mais aussi Espagne et Italie) en recapitalisant, au préalable, les banques européennes pour qu'elles puissent y faire face.

«Il faut protéger les banques et pas les Etats», plaide-t-il. «Pour protéger le système bancaire, il faut 1.000 milliards d'euros. Pour les Etats, il en faudrait 3.000 milliards, une somme hors de portée.»

Rééchelonner une part conséquente de la dette grecque aurait au moins l'avantage d'alléger son fardeau.

«Théoriquement, une fois que la charge de votre dette est moins lourde, vous redevenez un bon emprunteur», assure Cédric Tille.

La durée du défaut, s'il est finalement prononcé, sera donc observée à la loupe par les marchés.