Le commissaire européen chargé des marchés financiers, Michel Barnier, a proposé lundi de sévir à l'encontre des agences de notation, en leur interdisant d'évaluer un pays faisant l'objet d'un plan d'aide internationale et en autorisant des poursuites à leur encontre.

L'Europe a été ulcérée la semaine dernière par la décision de l'agence Moody's de dégrader spectaculairement la note du Portugal, pays objet depuis peu d'un plan de prêts internationaux de l'UE et du Fonds monétaire international (FMI).

Lisbonne commence à peine à mettre en oeuvre un programme d'austérité négocié en contrepartie de l'aide internationale, qui va au-delà même des demandes des bailleurs de fonds du pays.

«Il faut étudier la possibilité de briser l'oligopole des agences de notation», a martelé lundi à Bruxelles le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble. Michel Barnier a émis sur ce point l'idée de «mettre en réseau plusieurs agences de taille petite ou moyenne» pour faire contrepoids aux agences ayant pignon sur rue aujourd'hui.

Concernant les notes attribuées aux pays, «quand un État est membre de l'Union européenne et bénéficie de la solidarité de ses membres, quand il suit un programme de soutien international, on ne peut pas ne pas en tenir compte», a jugé le commissaire dans un discours prononcé à Paris.

«Dans ces conditions, il faut aussi se poser la question (...) de savoir s'il faut permettre les notations souveraines quand un État est sous programme international», a souligné M. Barnier devant l'Autorité européenne de régulation des marchés financiers (Esma).

«Je compte demander à la présidence polonaise (de l'Union européenne) de mettre ce sujet à l'ordre du jour» des prochaines réunions des ministres européens des Finances, a-t-il ajouté, précisant qu'«il faudrait encore étudier la faisabilité et regarder les modalités d'une telle interdiction».

Autre proposition significative: autoriser les investisseurs à poursuivre devant les tribunaux civils les agences de notation en cas de négligence, pour «responsabiliser» les acteurs du marché.

«Au regard du rôle des agences et des effets de leurs décisions, comment envisager qu'elles ne soient pas davantage responsables y compris au plan civil vis-à-vis des investisseurs?», s'est-il interrogé.

«La régulation européenne pourrait prévoir que les investisseurs puissent poursuivre la responsabilité des agences en cas de négligence ou de violations des règles applicables», a-t-il suggéré devant l'Esma, qui est aussi chargée de surveiller les agences de notation.

Standard & Poor's, Moody's et Fitch ont été très critiquées pour leur rôle dans le déclenchement de la crise financière partie des États-Unis avec la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en septembre 2008.

Elles sont accusées d'avoir encouragé les transactions sur des produits financiers complexes, à l'origine de la crise, en leur attribuant pendant très longtemps les meilleures notes. Toutes trois sont basées aux États-Unis, mais Fitch est contrôlée par des capitaux européens, à savoir le holding français Fimalac créé par le milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière.

M. Barnier envisage aussi d'exiger des agences qu'elles informent les États «au préalable» de toute dégradation, «pour permettre une vérification des données utilisées», et qu'elles publient «obligatoirement» leurs analyses sous-tendant les modifications de note. Ce qui n'a pas été le cas pour le Portugal la semaine dernière par exemple.