Deux victimes du scandale financier Mount Real ont obtenu gain de cause pour environ 460 000$ contre la compagnie d'assurances Lloyd's.

Denis Guillemette et France Mercier, un couple possédant une épicerie à Saint-Damien-de-Buckland dans la région de Bellechasse, ont perdu 232 000$ avec des produits Mount Real, des placements associés à une présumée fraude de 130 millions de dollars en 2005. La Cour supérieure leur a donné raison mardi dans une poursuite intentée contre leur firme de courtage et sa compagnie d'assurances. Ils ont obtenu la somme exacte 460 050$, le tribunal ayant tenu compte des gains dont ils ont été privés.

«Ce jugement confirme les obligations fondamentales des conseillers financiers et que les assureurs ne peuvent se défiler en cas d'incompétence. C'est important pour les investisseurs de savoir qu'ils ont des chances de recours s'il leur arrive un malheur», dit Me Serge Létourneau, l'avocat des deux victimes de Denis Guillemette et France Mercier.

Ayant investi ses économies dans des produits Mount Real, le couple d'entrepreneurs a poursuivi iForum, la firme de courtage de Mount Real, ainsi que la Lloyd's. Cette dernière assurait les activités professionnelles de leur courtier Yves Tardif, radié pour cinq ans en 2009 par la Chambre de la sécurité financière. Dans son contrat avec iForum, la Lloyd's était protégée par une clause d'exclusion de responsabilité en cas d'actes «frauduleux, malhonnêtes ou criminels ou d'une faute intentionnelle». La Cour supérieure a conclu que la police d'assurance s'appliquait malgré la cause d'exclusion parce que le courtier Yves Tardif avait agi par «incompétence».

«La preuve entendue ne permet pas [...] de conclure [...] que la faute du représentant Tardif comporte un caractère intentionnel», écrit le juge François Huot. Ce dernier estime que les deux victimes ont été mal conseillées par Yves Tardif, qui les a fait investir dans des placements aux Bahamas avec un rendement moyen de 6% à 8% par année.

Denis Guillemette et France Mercier ont aussi obtenu gain de cause contre Services financiers iForum et Valeurs mobilières iForum, mais cette victoire morale ne vaut rien financièrement, car les deux entreprises sont en faillite. C'est pourquoi la victoire contre la Lloyd's est si importante. L'avocat de la Lloyd's n'a pas rappelé La Presse Affaires hier.

Les autres victimes de Mount Real ne pourront profiter de la victoire de Denis Guillemette et France Mercier: trois ans après la fraude, les recours judiciaires deviennent prescrits. «Ceux qui voudront se coller au jugement risquent de frapper un os», dit Me Serge Létourneau.

Plus de cinq ans après la saisie des comptes de Mount Real par l'Autorité des marchés financiers, les victimes n'ont pas été remboursées. Quand l'AMF a saisi les comptes à la fin de l'année 2005, ils étaient vides. Environ 1600 investisseurs, dont le chanteur Bruno Pelletier qui a perdu 250 000$, avaient placé 130 millions de dollars dans l'organisation dirigée par le comptable Lino Matteo. Mount Real a été lancée par Norshield, la même firme qui a transféré les fonds du producteur de dessins animés Cinar aux Bahamas.

Les dirigeants de Mount Real, qui font face à des accusations pénales, n'ont pas encore été jugés. Le recours collectif des victimes de Mount Real n'a encore pas été entendu par un juge. Dans Norbourg, un scandale financier ayant éclaté la même année, le recours collectif des victimes vient de se conclure avec une entente hors cour de 55 millions de dollars et l'ex-PDG Vincent Lacroix a obtenu sa libération conditionnelle en janvier après avoir purgé une peine de prison pour fraude.

- Avec la collaboration de Francis Vailles