En dépit de la controverse, le gouvernement Charest est décidé à développer l'industrie du gaz de schiste et à en retirer des bénéfices. Mais avant de rapporter, cette nouvelle industrie coûtera de l'argent aux contribuables québécois.

L'évaluation environnementale stratégique des projets recommandée par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement sera entièrement aux frais des contribuables, a fait savoir le ministre des Finances dans son budget d'hier. Une somme de 7 millions y sera consacrée.

L'inspection des puits et la surveillance des pratiques des entreprises coûteront quant à eux 6 millions de plus au cours des trois prochaines années. Le gouvernement s'engage aussi à verser une compensation de 100 000$ aux municipalités pour chaque puits foré sur leur territoire, pour en «atténuer certains inconvénients», à un coût prévu de 2,5 millions.

Enfin, le gouvernement entend investir 5 millions de plus sur trois ans dans l'acquisition de connaissances sur les eaux souterraines, un exercice qui profitera à l'industrie du gaz de schiste.

Au total, c'est donc plus de 20 millions qui sortiront des coffres de l'État avant que les redevances de l'industrie commencent à y entrer.

«On va devenir riches avec nos ressources naturelles», a lancé le ministre Raymond Bachand. Il a souligné que la réforme du régime minier annoncé l'an dernier avait fait passer le Québec de la province «la plus cheap au Canada» pour l'industrie minière à celle qui est la plus coûteuse, avec des bénéfices immédiats aux finances publiques.

Nouveau régime

Le gouvernement veut aussi augmenter les redevances de l'industrie du gaz de schiste, mais dans ce cas-ci, les bénéfices pourraient être plus longs à venir pour les contribuables.

Le nouveau régime de redevances annoncé hier dans le budget ne s'appliquera pas aux 30 puits déjà forés. Les entreprises qui exploitent ces puits pourront donc continuer de bénéficier du bas taux actuel de redevances, à 10%.

Le Québec ne peut pas se permettre de changer les règles du jeu en cours de route, comme l'aurait fait une république de bananes, explique-t-on au ministère des Finances.

Pour les nouveaux puits, l'industrie devra payer des redevances variant de 5%, si le prix du gaz est bas comme il l'est actuellement et le niveau de production faible, et 35%, si le prix du gaz atteint 10$ par millier de pieds cubes et si le niveau de production est élevé.

Si le potentiel du secteur du gaz de schiste se concrétise, le gouvernement calcule qu'il pourra encaisser 1,4 milliard en redevances pendant les 15 premières années de production.

Comme il n'est pas encore certain que l'industrie du gaz de schiste soit viable et qu'il ne veut pas la faire fuir vers des lieux plus hospitaliers, le gouvernement propose de l'aider dans ses premiers pas.

Le Programme de valorisation gazière contenu dans le budget d'hier permettra aux entreprises qui le souhaitent de payer des redevances moins élevées dans les premières années de développement d'un puits, soit 2% plutôt que 5%. Le taux de redevances augmentera ensuite plus rapidement que dans le régime général de redevances pour atteindre le taux maximum de 35%.

Ce coup de pouce de départ est fortement inspiré de ce qui se fait ailleurs, notamment en Colombie-Britannique, précisent les fonctionnaires du ministère des Finances, qui ont pondu un document de 48 pages bien tassées sur l'encadrement du développement de l'industrie du gaz de schiste.

Le quart des éventuels bénéfices de l'industrie du gaz de schiste, de même que des redevances minières et pétrolières, sera versé au Fonds des générations pour réduire la dette, ce qui a énormément déçu la Fédération québécoise des municipalités, qui réclame depuis longtemps pour ses membres une partie des revenus de l'exploitation du gaz de schiste.