Les taux d'intérêt augmenteront au Canada en 2011, mais pas avant le mois de mai. En effet, même si le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, semble chercher une excuse pour ne pas augmenter les taux, il devra néanmoins le faire un peu plus tard cette année, croit Yvan Fontaine, premier vice-président d'Addenda-Capital, firme de gestion de portefeuille de Montréal spécialisée dans les obligations.

Lors de sa plus récente réunion en janvier, la banque centrale a décidé de maintenir son taux directeur à 1%.

Pourtant, les économies américaine et européenne vont mieux et l'économie canadienne se porte plutôt bien, explique le dirigeant. «On ne peut plus justifier des taux d'intérêt à 1%», dit-il.

Lorsque la Banque du Canada a publié son rapport sur la politique monétaire en novembre, le gouverneur avait pourtant profité de cette tribune qui lui était offerte pour faire part de son inquiétude quant à l'endettement des ménages canadiens.

«Raison de plus pour augmenter les taux», signale M. Fontaine, qui voit là une occasion ratée.

L'une des façons de freiner l'endettement des Canadiens aurait été de hausser les taux d'intérêt, selon lui. «Même lors des pires crises que le Canada a traversées dans le passé, les taux n'ont jamais chuté en dessous de 2%», rappelle-t-il.

Ce thème de l'endettement a fait les manchettes des médias pendant plusieurs jours, et le ministre des Finances, Jim Flaherty, a répliqué en annonçant un resserrement des conditions des emprunts hypothécaires assurés par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).

La période d'amortissement maximale est réduite de 35 à 30 ans, et le plafond de la somme qui peut être empruntée est lui aussi réduit de 90 à 85%. Ces mesures entreront en vigueur le 18 avril.

La force du huard

Il faut dire que la force du dollar canadien constitue une bonne raison pour le gouverneur de la banque centrale de ne pas hausser le taux directeur.

Le huard vogue allégrement au-dessus de la parité avec le dollar américain. Une hausse des taux d'intérêt sans une hausse équivalente aux États-Unis risquerait d'accentuer encore plus la poussée du huard.

Un dollar canadien fort rend plus chers les produits canadiens vendus à l'étranger, ce qui menace les exportations.

«Aux yeux de la Banque du Canada, les bénéfices du commerce international canadien seront limités à cause de la force du dollar canadien, ce qui nuira forcément à la croissance économique», affirme Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale.

Il y a fort à parier que la croissance économique canadienne inquiète la banque centrale.

Malgré le soutien provenant du regain de l'activité économique observé aux États-Unis et ailleurs, la banque n'a augmenté que de 0,1% sa prévision de croissance économique pour le Canada cette année, à 2,4%.

«Dans le passé, une amélioration des conditions économiques mondiales a toujours incité la Banque du Canada à hausser ses prévisions de croissance de façon plus significative que cela», dit M. Pinsonnault.

Le resserrement des règles sur les emprunts hypothécaires donne un peu plus de temps à la banque centrale avant de devoir réduire les stimuli monétaires en haussant les taux d'intérêt, croit l'économiste de la Financière.

Mais ce n'est qu'une question de quelques mois. «Nous prévoyons une hausse de taux en mai», indique-t-il.