Après plus de cinq ans de procédures judiciaires, les investisseurs floués par Vincent Lacroix seront remboursés en totalité. Un règlement à l'amiable, conclu mardi, a été présenté hier matin aux 9200 investisseurs.

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Le règlement, qui met fin à trois litiges judiciaires, dont deux recours collectifs, prévoit le versement de 55 millions de dollars aux investisseurs par l'Autorité des marchés financiers (AMF), du gardien de valeurs Northern Trust, du bureau de comptables KPMG, du comptable Rémi Deschambault et de la société de fiducie Concentra. L'AMF déboursera 20 des 55 millions du règlement.

La fraude chez Norbourg s'élevait à 113,5 millions de dollars.

Les investisseurs avaient déjà reçu 32 millions du Fonds d'indemnisation des services financiers (géré par l'AMF) et 26,5 millions des liquidations de Vincent Lacroix et Norbourg ainsi que de remboursements de Revenu Québec. En ajoutant le règlement à l'amiable de 55 millions, les investisseurs récupèrent ainsi la totalité des 113,5 millions fraudés par Vincent Lacroix.

Pas de rendement ni d'intérêts

Les investisseurs récupéreront leur argent, mais ils n'obtiendront pas de rendement ou d'intérêts sur leurs fonds placés chez Norbourg depuis 2002. Dans le recours collectif contre l'AMF, Norbourg Trust et KPMG, les investisseurs réclamaient une plus-value de 35% sur leur investissement initial. «Ils n'ont pas perdu d'argent durant la crise financière», dit Sylvain Théberge, de l'AMF.

Les investisseurs demandaient un rendement entre 10% et 12% pour les années 2002 à 2005 et un intérêt annuel moyen de 6% pour les années 2006 à 2010. Les investisseurs voulaient aussi forcer certains défendeurs à payer les honoraires de leurs avocats.

Les investisseurs paieront plutôt la plupart des honoraires de leurs avocats à même la somme de 55 millions. Leurs avocats, Me Jacques Larochelle et Me Serge Létourneau, ont engagé un collègue, Me Pierre Sylvestre, afin d'évaluer ce qu'ils méritent comme honoraires dans ce dossier.

Un chèque, pas d'admission

La somme de 55 millions consentie aux investisseurs aurait-elle été dépensée de toute façon en frais d'avocats par l'AMF, Northern Trust et KPMG au cours du recours collectif, qui devait durer 16 mois à partir du 31 janvier prochain? «Facilement», estime Me Serge Létourneau, l'un des avocats des investisseurs.

L'AMF a payé 20 des 55 millions qui seront remis aux investisseurs. «Le calcul est simple: ça représente environ ce qu'un procès aurait coûté en avocats», dit Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF. Selon nos informations, Northern Trust aurait aussi allongé 20 millions pour régler le recours collectif.

Même s'ils ont sorti leur chéquier, les défendeurs n'admettent aucune responsabilité juridique dans le dossier Norbourg. «Nous avons réglé dans l'intérêt des investisseurs, dit Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF. Ça fait plus de cinq ans. On se serait entendus avant, mais ça prenait la collaboration des autres défendeurs.»

Les négociations en vue d'un règlement ont commencé en juin 2010 à la demande du juge en chef de la Cour supérieure, l'honorable François Rolland. Des négociations complexes, étant donné qu'elles impliquaient une dizaine de parties dans trois litiges différents. «Certains défendeurs exigeaient que le règlement mette fin à tous les litiges. Ils ne voulaient pas être appelés en garantie dans un autre litige», dit Jacques Larochelle, l'un des avocats des investisseurs.

Sans le savoir, le juge Bernard Godbout, de la Cour supérieure, a donné un coup de main aux négociations en accordant 7 millions aux investisseurs des fonds Perfolio de Norbourg en décembre dernier. En ajoutant cette somme à sa proposition, l'AMF a demandé à d'autres défendeurs de mettre aussi un peu d'eau dans leur vin. La proposition s'approchait ainsi du seuil magique des 55 millions, soit le remboursement en totalité de la fraude. «À ma connaissance, il n'y a pas eu de recours collectif au Québec qui a remboursé la totalité de la somme en jeu», a dit Me Jacques Larochelle hier en conférence de presse.

Un million de la Caisse

La Caisse de dépôt et placement du Québec, qui faisait l'objet d'un recours collectif distinct, ne versera pas d'argent aux investisseurs, mais elle remettra 1 million de dollars aux défendeurs (AMF, Northern Trust, KPMG, etc.) afin de couvrir certains frais liés au procès, essentiellement des frais d'avocats.

La distribution des 55 millions sera administrée par Ernst&Young, dont les honoraires seront payés par l'AMF. Les investisseurs qui ont des questions sur le règlement auront bientôt accès à un site web (www.roylarochelle.com) et à un numéro de téléphone.

Quelques questions demeurent tout de même sans réponse, dont la responsabilité juridique de l'AMF et de la Caisse de dépôt. «On n'a pas fait de procès, mais on a fait du bien à 9200 personnes avec ce règlement», dit Me Serge Létourneau.

> Qui paie pour le règlement à l'amiable?

L'Autorité des marchés financiers (AMF), Northern Trust, KPMG, Concentra et le comptable Rémi Deschambault.

> Combien paient-ils?

Cinquante-cinq millions de dollars. La part de l'AMF est de 20 millions.

> Sont-ils responsables?

Les défendeurs n'admettent aucune responsabilité. Le montant du règlement correspond environ aux frais d'avocats qu'ils auraient dépensés pour se défendre en cour.

> Les investisseurs sont-ils remboursés à 100%?

Avec le règlement de 55 millions, les investisseurs seront remboursés pour la totalité de la fraude de 113,5 millions (ils ont déjà reçu 58,5 millions). Ils devront toutefois soustraire de cette somme leurs frais d'avocats et ont renoncé aux intérêts et aux rendements générés depuis 2002.

> Quand les investisseurs seront-ils remboursés?

La Cour supérieure doit approuver le règlement à l'amiable en mars. La distribution de la grande majorité de l'argent aura lieu d'ici trois mois. L'opération sera gérée par Ernst&Young aux frais de l'AMF.