Un cabinet d'avocats canadien ouvre à un bureau Paris. Et embauche 16 avocats français d'un seul coup. Tout cela grâce à Jean Chrétien!

C'est ce qui s'appelle commencer l'année sur les chapeaux de roues. Trois jours seulement après le réveillon de la Saint-Sylvestre, un cabinet d'avocats pancanadien a décidé de célébrer de nouveau 2011, cette fois en prenant de l'expansion à l'étranger. Heenan Blaikie, où travaille notamment depuis sa retraite politique l'ex-premier ministre du Canada, Jean Chrétien, a ouvert mardi un bureau à Paris, en France. Le cabinet l'a fait en grande pompe, en embauchant 16 avocats parisiens d'un seul coup.

«Pour nous, il s'agit d'une suite logique à ce que nous avons entrepris depuis quelques années», explique le coassocié directeur d'Heenan Blaikie, Guy Tremblay, 64 ans. Heenan, comme la plupart des grands cabinets canadiens, est entré de plain-pied dans la mondialisation des services juridiques. L'an dernier, le cabinet avait timidement tâté le terrain en ouvrant un petit bureau de représentation dans la Ville lumière; cette fois, la firme a décidé d'ouvrir les vannes.

Il faut croire que la capitale française représente un marché de choix pour les avocats. Car, en un peu plus d'un an, il s'agit du deuxième cabinet canadien à s'installer à Paris. En septembre 2009, Fasken Martineau avait fusionné avec Gravel, Leclerc & Associés, petit bureau d'avocats d'affaires parisien, qui compte 16 avocats également, selon le site du cabinet.

Pour recruter autant d'avocats français simultanément, Heenan a dû puiser chez la concurrence. Fait amusant, c'est au bureau parisien de Norton Rose que le cabinet est allé chercher 13 des 16 avocats. Norton Rose, rappelons-le, est ce cabinet britannique qui a annoncé en novembre un regroupement avec un autre cabinet canadien, Ogilvy Renault. Mais si la coïncidence paraît claire, les deux événements n'ont strictement rien à voir, précise Me Tremblay, car les négos entre Heenan et le groupe des 13 ont commencé en mai, bien avant que Norton et Ogilvy n'annoncent leurs fiançailles.

Les nouveaux venus ne sont cependant pas de parfaits inconnus. Depuis plusieurs années, ces avocats français et ceux de Heenan, au Canada, ont pris l'habitude de s'envoyer mutuellement des dossiers. L'ouverture du bureau parisien vient simplement souder une relation d'affaires qui existait déjà de façon informelle.

Cap sur l'Afrique

Le bureau de Paris est situé dans le 8e arrondissement, quelque part entre la tour Eiffel et l'Arc de triomphe. Sur les 16 juristes, il compte 6 associés, dont le patron, Jean-François Mercadier, pro des transactions internationales. Le bureau parisien interviendra en droit commercial, fusions et acquisitions, capital investissement, financement et restructurations, ainsi qu'en litige et en arbitrage international. Il mettra l'accent sur les marchés internationaux, bien sûr en nouant des relations commerciales en Amérique et en Europe.

Mais ce qui a surtout convaincu les dirigeants d'Heenan d'aller de l'avant avec ce projet, ce sont les perspectives de croissance en Afrique. Car les avocats français qui se joignent au cabinet sont des spécialistes du marché africain. Ils y réalisent 40% de leurs affaires, notamment dans les secteurs des mines, des ressources naturelles et des télécommunications. Des clients importants leur font confiance, comme le groupe de télécommunications britannique Vodafone, de même que les minières Glencore et AngloGold.

«Sans le volet africain, nous aurions été moins intéressés», admet Guy Tremblay.

L'influence de Jean Chrétien

Si les deux groupes se sont rapprochés, c'est sans doute parce qu'ils considérèrent que leurs compétences sont complémentaires. Les ex de Norton Rose sont passés maîtres dans la négociation et rédaction de contrats complexes, un volet que les avocats d'Heenan maîtrisent mais pas avec autant de profondeur, surtout en Afrique. Sauf qu'avant de rédiger des contrats, il faut obtenir les mandats... ce que savent très bien faire les gens d'Heenan.

Depuis quelques années, en effet, les avocats d'Heenan ont souvent obtenu des mandats en Afrique de la part d'entreprises désireuses d'acquérir des propriétés qui les intéressent, tels que des concessions minières, des blocs de pétrole, des droits d'exploration. «On les assiste dans leurs demandes d'autorisation», explique l'avocat Jacques Bouchard, 48 ans, directeur des affaires internationales chez Heenan.

Si Heenan est reconnu pour ouvrir des portes, c'est grâce à l'apport de Jean Chrétien. Durant son règne politique, l'ex-premier ministre a créé des liens de confiance avec de nombreux dirigeants africains, explique Jacques Bouchard. Et, depuis qu'il s'est joint à Heenan, il voyage encore très souvent en Afrique. Bref, il ouvre des portes pour les clients du cabinet, qui sont ainsi capables de rencontrer les bonnes personnes plus rapidement.

Comme quoi, le petit gars de Shawinigan n'a pas encore dit son dernier mot.

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