Trois fusions de cabinets d'avocats dans le dernier mois. Un mouvement de consolidation est-il en cours?

Ils sont fous ces avocats! Quand ce ne sont pas leurs clients qui fusionnent, ce sont eux qui prennent le relais. Alors que le secteur des fusions et acquisitions d'entreprises est au point mort, voilà que trois cabinets d'avocats nationaux ont convolé en justes noces au cours du dernier mois. Dernier en lice, Miller Thomson, qui a annoncé mardi sa fusion avec Balfour Moss, un petit cabinet saskatchewannais de 24 avocats comptant des bureaux à Regina et Saskatoon.

Oh! La nouvelle n'est pas aussi spectaculaire que le mariage en grandes pompes du mois dernier entre Ogilvy Renault et le britannique Norton Rose, ni même que la fusion entre les canadiens McMillan et Lang Michener, aussi prononcée en novembre. Mais, tout de même, avec cette transaction, Miller Thomson devient le premier cabinet national à s'installer en Saskatchewan.

«La Saskatchewan est devenue un acteur important sur la scène économique canadienne et nous sommes enthousiastes à l'idée de prendre part au succès sans précédent de cette province», dit l'avocat Gerald Courage, 59 ans, président de Miller Thomson.

L'arrivée de ce cabinet dans cette province des prairies n'est pas l'effet du hasard. La Saskatchewan a longtemps été le parent pauvre parmi les provinces canadiennes. Ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Son économie devrait croître de 6,3% en 2010, la plus forte croissance au pays. La Saskatchewan constitue le premier producteur de potasse du monde. Elle produit également l'uranium à plus forte teneur au Canada. De plus, elle deviendra sous peu la plus grande productrice de pétrole classique au pays.

Pour un cabinet d'avocats en droit des affaires très porté sur le secteur des ressources, ce sont des données qui font tilt. Voilà pourquoi Miller Thomson a sauté sur l'occasion. Gerald Courage estime d'ailleurs que son cabinet bénéficiera du fait d'être le premier cabinet pancanadien à s'installer là-bas. Car il s'attend à ce que la concurrence rapplique rapidement.

Une croissance fulgurante

En avalant Balfour Moss, Miller Thomson met le grappin sur un cabinet bien implanté. Fondé en 1895, il a bâti sa réputation sur les services-conseils aux institutions financières. Balfour Moss se démarque aussi dans le règlement de litiges et le droit administratif.

Pour Miller Thomson, cette fusion est business as usual. La firme a doublé de taille au cours des cinq dernières années et triplé en douze ans en grignotant des rivaux, notamment en 2005, à Montréal, avec l'intégration du cabinet Pouliot Mercure. Elle compte désormais plus de 480 avocats dans 11 bureaux au Canada, ce qui la place parmi les 10 plus grands cabinets au pays.

Contrairement à d'autres qui lorgnent l'étranger, Miller Thomson se concentre sur le Canada. Le cabinet y voit encore des occasions de croissance, d'où cette percée en Saskatchewan. Il mise aussi sur des créneaux mal desservis par les grands groupes. Le gros de la clientèle de Miller Thomson se compose d'ailleurs d'entreprises de moyennes tailles, le mid-market pour reprendre un terme à la mode, bien que la firme compte aussi pour clients des multinationales. Cela ne veut pas dire pour autant que le cabinet ne fait pas d'affaires à l'étranger, au contraire. Mais il le fait différemment, en établissant des relations informelles avec des cabinets étrangers, plutôt qu'en ouvrant des succursales sur place.

À Montréal, la fusion a été bien accueillie. «Elle a été approuvée avec beaucoup d'enthousiaste par nos associés», dit Pierre Paquet, 55 ans, associé principal du bureau de Montréal, qui compte une soixantaine d'avocats. Il s'attend à ce que ces nouveaux bureaux génèrent du travail pour celui de Montréal par référencement, comme cela s'est passé en 2002 quand Miller a ouvert dans le sud de l'Ontario.

Pour le moment, dit Me Paquet, il n'y a pas d'autres fusions dans l'air pour Miller Thomson, bien que le cabinet reste ouvert aux occasions. Mais les concurrents, eux, pourraient bien bouger. Car si les trois fusions des dernières semaines ne sont pas nécessairement liées, elles vont sûrement en faire réfléchir plus d'un. Un mouvement de consolidation des services juridiques est-il en marche? «Dur à dire, mais ces fusions vont sûrement accélérer les choses. Il y a des cabinets qui vont vouloir bouger pour ne pas se retrouver seul devant de grands groupes», dit le président de ZSA, Christopher Sweeney, fin observateur de la scène juridique canadienne.

Déjà, plusieurs rumeurs circulent dans le milieu. Davis, un cabinet de 225 avocats au Canada, dont plusieurs pratiquent à Montréal, serait présentement en discussions avec un rival. Le mariage pourrait même être annoncé avant Noël. Et un bureau de Toronto serait sur le point d'être avalé par un cabinet américain. Voilà qui devrait accélérer les choses...

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CROISSANCE DE MILLER THOMSON EN 10 ANS

> 1999: Fusion avec Cook Duke Cox (Edmonton et Calgary)

2000: Fusion avec Swinton & Company (Vancouver)

2002: Fusion avec Sims Clement and Eastman (Kitchener-Waterloo)

2003: Fusion avec Kearns McKinnon (Guelph)

2005: Fusion avec Pouliot Mercure (Montréal)

2006: Ouverture du bureau de London, en Ontario

2010: Fusion avec Balfour Moss LLP (Regina et Saskatoon)

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