Les tensions autour de la «guerre des monnaies» étaient toujours vives hier à la veille du sommet du G20 à Séoul, les principaux pays de la planète critiquant vertement les États-Unis, accusés de menacer l'équilibre économique mondial en favorisant la faiblesse du billet vert.

La décision de la Réserve fédérale américaine d'injecter jusqu'à 600 milliards d'ici juin dans l'économie américaine pour stimuler l'économie et affaiblir le billet vert attise les tensions internationales au moment où se déploie un intense ballet diplomatique en vue du sommet du G20 qui s'ouvre ce matin à Séoul.

L'initiative apprécie les autres monnaies face au billet vert et nourrit les tensions dans le système financier, toujours en convalescence, en Europe et aux États-Unis du moins. Sans compter qu'elle accentue aussi les flux de capitaux spéculatifs vers les pays émergents, au-delà de ce que leur forte croissance attire en investissements directs.

Elle n'est pas sans effet non plus pour le Canada, petite économie ouverte dont 30% du PIB repose sur ses exportations, dont les trois quarts sont destinés au marché américain. Déjà médiocres, les expéditions vers les États-Unis pourraient encore diminuer quelques mois avec cette mesure.

Côté positif, «la détente quantitative américaine abaissera les taux d'intérêt à long terme, soutiendra les actions canadiennes et améliorera les termes de l'échange», analysent Sandy Batten et Sylvana Dimino, économistes chez JP Morgan Chase Bank à New York dans la lettre Impact of US QE2 on Canada. Côté négatif, «elle renforce le huard et maintient la politique monétaire à un degré plus accommodant» que désiré.

Depuis des mois, la Banque du Canada manifeste ses inquiétudes quant à la dette des ménages. Augmenter les taux d'intérêt paraît le meilleur moyen de limiter la croissance de leur endettement. Ce faisant, cependant, la Banque pousserait davantage le huard à la hausse et nos exportations manufacturières à la baisse. La décision de la Fed entrave donc la politique monétaire canadienne.

La politique aigre-douce chinoise

Elle a aussi ses effets en Asie. L'ancien gouverneur de la Banque populaire de Chine Dai Xianglong a rappelé mardi à Pékin que le dollar américain n'est pas seulement la devise des États-Unis, mais aussi la monnaie de refuge internationale. Il propose une fourchette à l'intérieur de laquelle le billet vert devrait flotter de manière à rassurer tout le monde.

Les Chinois sont fort conscients que la faiblesse du yuan est un des pôles des grands déséquilibres internationaux, l'autre étant le niveau d'endettement de maints pays occidentaux, à commencer par les États-Unis.

Fins stratèges, le premier créancier et fournisseur des États-Unis laisse depuis quelques jours le yuan s'apprécier quelque peu face au billet vert. Depuis le début de l'année, il a gagné 2,8%, ce qui paraît bien peu toutefois aux yeux des Américains.

Parallèlement, Dagong, une agence de crédit de l'État chinois qui se veut une solution de rechange aux Moody's, Standard&Poor's et Fitch de ce monde, a abaissé la note de la dette américaine. Elle passe d'AA à A" avec perspective négative. «Plusieurs anomalies dans l'économie américaine vont conduire à une récession à long terme et à une solvabilité nationale plus faible», justifie-t-elle.

«Ce sont des conditions qui, selon elle, vont à l'encontre des intérêts des créanciers», résume Stéphane Goulet, directeur cambiste corporatif à la Banque Laurentienne.

De son côté, le Japon déploie des efforts pour freiner l'ascension du yen face au billet vert. La monnaie japonaise est à son niveau le plus élevé en 15 ans. Cela n'a pas empêché malgré tout l'empire du Soleil-Levant d'enregistrer un surplus de son compte courant équivalent à 24 milliards américains en septembre, grâce à la croissance de la demande asiatique.

«Les balances commerciales sont des indicateurs de performance», a pour sa part confié la chancelière allemande Angela Merkel, au journal Die Welt cité par l'agence Bloomberg. Elle répliquait ainsi aux pourfendeurs de la plus forte économie d'Europe.

Plusieurs banques européennes des pays enregistrant des gros déficits ont besoin de l'aide de la Banque centrale européenne pour se financer. La BCE doit décider si elle reconduit son programme d'achats d'obligations gouvernementales détenues par les banques, lancé au printemps dans la foulée de la crise grecque, une initiative qui plaît peu à puissance germanique.

Mme Merkel répliquait aussi au secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner en particulier. Il y a une semaine, il avait lancé l'idée que ni les surplus ni les déficits commerciaux d'un pays ne devraient excéder l'équivalent de 4% de son PIB. La proposition a été mal accueillie par des pays comme la Corée du Sud, pays hôte du G20 ou par l'Arabie Saoudite dont toute l'économie repose sur l'exportation d'or noir. M. Geithner ne parle plus que de lignes directrices.

C'est lundi que les marchés financiers refléteront si la classe politique obtient la note de passage.