En dépit d'une victoire symbolique en cour contre l'Autorité des marchés financiers (AMF), les investisseurs floués dans l'affaire Norbourg sont encore bien loin de revoir la couleur de leur argent.

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Dans un jugement rendu lundi, la Cour supérieure a forcé l'Autorité des marchés financiers (AMF) à rembourser environ 7 millions de dollars à 138 investisseurs de Norbourg par l'entremise de son fonds d'indemnisation. Mauvaise nouvelle pour les investisseurs: cette première victoire judiciaire contre l'AMF n'a aucune incidence sur les deux recours collectifs plus importants - respectivement de 79 millions et de 170 millions de dollars - qui seront étudiés prochainement par les tribunaux.

«Le jugement de lundi ne vaut que pour 138 personnes (sur 9000 investisseurs) et les deux autres recours collectifs ne sont pas du tout sur la même base juridique», dit Simon Roy, professeur en droit criminel à l'Université de Sherbrooke et spécialiste de droit pénal économique.

Plutôt que d'interpréter les conditions de remboursement du fonds d'indemnisation de l'AMF, les deux recours collectifs détermineront si l'AMF et d'autres acteurs mêlés à l'affaire Norbourg - dont Northern Trust, KPMG et la Caisse de dépôt et placement du Québec - sont responsables des pertes des investisseurs en raison de leur comportement négligent.

Le recours collectif le plus important pour les investisseurs concerne 115 millions demandés à l'AMF, Northern Trust et KPMG.

En comptant les rendements promis, les intérêts et les dommages punitifs, les investisseurs pourraient obtenir jusqu'à 170 millions. La Cour supérieure entendra la cause à partir de janvier et doit rendre sa décision au milieu de 2012.

«Les faits de la cause sont complexes, mais, sur le plan juridique, c'est une cause de responsabilité civile pure. L'AMF dispose d'une immunité, mais pas absolue. Si on réussit à démontrer une faute lourde ou grossière de la part, l'immunité de l'AMF tombe», dit Me Serge Létourneau, qui représente les victimes de Norbourg dans ce recours collectif en collaboration avec Me Jacques Larochelle, l'un des avocats les plus respectés au Québec.

«Pour gagner, les victimes devront prouver que l'AMF a été négligente de façon déraisonnable dans son devoir de surveillance, dit Simon Roy, professeur de droit à l'Université de Sherbrooke. Il faudra ensuite prouver que la faute a fait en sorte que Vincent Lacroix a pu frauder les investisseurs. Et la responsabilité d'un organisme comme l'AMF ne commence qu'au moment de la faute. Les sommes perdues par Vincent Lacroix avant une faute de l'AMF ne sont pas la responsabilité de l'AMF.»

L'AMF a déjà indemnisé 900 des 9000 investisseurs dans l'affaire Norbourg. La Cour supérieure lui a ordonné lundi d'indemniser 138 autres investisseurs, mais l'AMF n'a pas indiqué si elle allait porter le jugement en appel. En vertu des règles du fonds d'indemnisation, chaque investisseur ne peut obtenir plus de 200 000$.

Me Marc-André Gravel, qui a eu gain de cause lundi en Cour supérieure, représente de nouveau des investisseurs de Norbourg dans un recours collectif contre la Caisse de dépôt et placement du Québec. L'avocat des victimes admet que les deux dossiers ne sont pas liés sur le plan juridique. «Le jugement de lundi porte sur une cause de droit administratif et de droit corporatif, tandis que le recours collectif est une cause de responsabilité civile générale», dit Me Gravel.

Même si tout est à recommencer après la victoire de lundi, Me Marc-André Gravel est néanmoins confiant de gagner sa cause de 78,5 millions contre la Caisse, qui sera entendue par la Cour supérieure dans deux semaines. «Si la Caisse avait fait des vérifications lorsqu'elle a vendu les fonds Evolution à Vincent Lacroix en 2005, elle aurait vu qu'elle vendait à une personne insolvable, dit Me Gravel. Vincent Lacroix a ainsi pu bénéficier de 115 millions d'actifs qu'il s'est dépêché de dilapider. La fraude est aussi grande que la somme dont le fraudeur dispose.»