La sentence est finalement tombée: Jacques Gagné écope de trois ans et demi de prison pour une arnaque REER commise il y a 10 ans. Il s'agit de la plus importante peine imposée pour évasion fiscale au Canada.

La sentence a été rendue hier au palais de justice de Longueuil. Jacques Gagné a été conduit directement dans un pénitencier fédéral. La sentence suit le verdict de culpabilité prononcé en juillet par la juge Ellen Paré dans un jugement de 88 pages.

Jacques Gagné a permis à 152 contribuables de ne pas déclarer un total de 3,3 millions de dollars, entre 1997 et 1999, ce qui leur a permis d'éviter le paiement de plus de 616 907$ d'impôts au fédéral. L'argent avait été retiré illicitement de leur REER, de leurs régimes de pension agréés (RPA) ou de leur compte de retraite immobilisé (CRI).

La peine de 42 mois est aussi importante que celle imposée à l'ex-avocat lavallois Pierre Boivin, coupable de blanchiment d'argent, il y a quelques années, pour le compte du narcotrafiquant Henri Bertrand. En plus des 42 mois, Jacques Gagné s'est vu imposer une amende équivalente au montant d'impôt éludé, soit de 616 097$.

Jacques Gagné avait monté un stratagème complexe pour inciter les 152 contribuables à investir dans des coquilles présumées admissibles à des placements REER. Ces coquilles vides étaient en fait des entreprises que Jacques Gagné contrôlait et qui n'étaient aucunement admissibles à des placements REER.

Pour inciter les contribuables à investir, Jacques Gagné leur remettait entre 50 et 80% de la somme placée dans les coquilles et se gardait une «commission» de 20 à 50%. Les contribuables y trouvaient leur compte, puisque la somme remise excédait l'impôt qu'ils auraient payé en vidant leur REER. Le hic, c'est que le fisc a découvert l'arnaque et recotisé les participants, devenus des victimes.

Les investisseurs étaient recrutés par l'entremise de petites annonces dans les journaux. Il s'agit de gens qui avaient un besoin urgent de fonds. Jacques Gagné les rassurait quant à l'admissibilité des entreprises aux placements REER en leur présentant des attestations de deux comptables agréés, Gérard Privé et Lucie Lauzon.

Ces deux comptables n'ont pas été accusés. Ils ont plutôt servi de témoins pour l'avocat de la poursuite, François Lanthier. Pour chaque dossier, ils facturaient 50$ pour un travail qui leur prenait une quinzaine de minutes.

Les coquilles vides, appelées Servitek 2000, Educamax et Services financiers Mackenzie, entre autres, ont été vendues à des entreprises des Bahamas lorsque le fisc a commencé à s'y intéresser, à la fin des années 2000.

Jacques Gagné sera admissible à une libération conditionnelle au sixième de sa peine de 42 mois. Il a porté la cause en appel et demandé sa mise en liberté en attendant.

L'Agence du revenu du Canada n'est pas le seul organisme à avoir maille à partir avec Jacques Gagné. Depuis 2005, le financier est ciblé par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour pratique illégale de courtier. En 2008, l'AMF a intenté une poursuite contre Jacques Gagné pour des agissements entre 2003 et 2005 qui touchent huit contribuables. Elle réclame des amendes de 813 000$.

Essentiellement, l'enquête de l'AMF a démontré, elle aussi, que Jacques Gagné a incité des investisseurs à placer leur REER ou leur CRI de façon illicite. Depuis 2005, certains des comptes liés à Jacques Gagné et à sa conjointe, Martine Gravel, sont bloqués. Les deux se sont également vu interdire toute opération sur valeur. Le procès de Jacques Gagné dans le dossier de l'AMF aura lieu à la fin de novembre.